Tempête tarifaire : L’huile d’olive tunisienne secouée par les 28 % de Trump (Edito)

L’annonce par l’administration Trump d’une augmentation spectaculaire des droits de douane à 28% sur les produits importés des pays bénéficiant jusqu’ici du régime préférentiel américain a de quoi inquiéter Tunis. Si le volume global des échanges tuniso‑américains reste modeste, certaines filières risquent d’être lourdement impactées.
Parmi les secteurs tunisiens exportant aux États‑Unis, l’huile d’olive se taille la part du lion. Pilier historique de l’économie rurale, elle a progressivement conquis le marché américain, où la Tunisie est devenue l’un des principaux fournisseurs méditerranéens. Or, cette filière traverse déjà une passe difficile : l’arrestation récente d’un grand opérateur a perturbé la mise sur le marché de l’huile conditionnée, fragilisant la confiance des acheteurs. Avec un droit de douane aussi haut, les exportateurs tunisiens verront mécaniquement leur compétitivité s’éroder, au profit d’oliviers espagnols, italiens ou grecs.
Au‑delà de l’huile d’olive, c’est tout le secteur agroalimentaire — conserves, fruits secs, semences — qui risque de pâtir de cette hausse brutale. Les marges étant déjà serrées, un surcoût de près de 30 % pourrait conduire certains acteurs à renoncer au marché américain, réduisant d’autant la diversité et le volume des exportations tunisiennes.
Face à ce choc tarifaire, la riposte tunisienne restera limitée : les échanges avec les États‑Unis ne représentent qu’une fraction des exportations nationales, et la marge de manœuvre pour des mesures de rétorsion est quasi nulle. Plutôt que de brandir des droits de douane réciproques — coûteux pour un pays importateur net —, il serait plus judicieux de :
-Renforcer la qualité et la traçabilité des produits, afin de justifier un positionnement « premium » qui amortisse partiellement le surcoût douanier.
-Diversifier les débouchés en accélérant l’accès aux marchés asiatiques (Chine, Japon, Corée du Sud), où la demande pour l’huile d’olive et les produits agroalimentaires méditerranéens ne cesse de croître.
-Mettre en œuvre des réformes réglementaires pour alléger les formalités à l’export et offrir des incitations fiscales aux PME innovantes du secteur agroalimentaire.
Ces orientations exigent un engagement fort de l’État et une coordination importante entre les ministères de l’Agriculture, du Commerce et des Affaires étrangères.
Sur le plan diplomatique, cette mesure américaine vient envenimer des relations déjà tendues depuis la décision du président Saïed de concentrer les pouvoirs exécutif et législatif en 2021. Les récentes déclarations de Donald Trump, évoquant une extension des Accords d’Abraham au Maghreb lors de l’entretien avec le nouvel ambassadeur à Tunis, avaient déjà suscité l’irritation du gouvernement tunisien. En durcissant ses barrières tarifaires, Washington accentue le sentiment d’isolement de la Tunisie sur la scène internationale et rappelle brutalement la vulnérabilité des économies émergentes face aux décisions unilatérales des grandes puissances.
Loin d’être anecdotique, cette hausse à 28 % devrait servir de déclencheur pour repenser en profondeur la stratégie export tunisienne. Au‑delà de la conjoncture, il s’agit d’installer une résilience durable : qualité, innovation, diversification. Faute de quoi, l’olivier, arbre séculaire symbole de la Tunisie, risque de voir ses fruits s’éloigner durablement des tables américaines.
Wissal Ayadi