Tunisie / Tourisme: La vaccination, seule garantie pour une reprise d’après les professionnels du secteur

24-03-2021

Voilà un an que la pandémie du Covid-19 est apparue, mettant à mal l’économie du monde entier. Si aujourd’hui avec le début des campagnes de vaccination à travers le monde, la lueur semble apparaître au bout du tunnel, certains secteurs continuent de subir les conséquences de la pandémie.

En Tunisie, le tourisme, une des colonnes vertébrale du PIB, essaye tant bien que mal de se relever. Mais les chiffres montrent une réalité qui ne laisse pas beaucoup d’espoir quant à une reprise rapide. En effet, selon les derniers chiffres publiés par la Banque Centrale, les recettes touristiques ont régressé de 55,8% (313 millions de dinars), à la fin février dernier.

Des hôtels fermés, des agences de voyage qui ont mis la clé sous la porte, des employés au chômage et des stations balnéaires devenues fantômes… La Tunisie réussira-t-elle à faire revenir les touristes ? 

Une nouvelle stratégie pour attirer de nouveaux profils

Si 2020 a été une année quasi blanche côté tourisme, 2021 ne s’annonce pas meilleure. En effet, la situation sanitaire à travers le monde reste fragile. S’il y’a encore quelques mois, l’épidémie semblait reculer, aujourd’hui certains pays, en Europe notamment, recommencent à reconfiner leur population craignant une troisième, voire une quatrième vague.

En prévision de la saison touristique qui arrive dans quelques mois, la Tunisie a décidé de réfléchir à une nouvelle stratégie afin de trouver de nouveaux axes de réflexion. C’est ce qu’a expliqué récemment le ministre du Tourisme Habib Ammar, lors d’une conférence de presse à distance organisée à l’occasion du Salon International du Tourisme et du Voyage « ITB Berlin » en Allemagne la semaine dernière.

Habib Ammar / Ministre du Tourisme

Connue pour ses stations balnéaires en été, le pays doit maintenant se tourner vers d’autres formes de tourisme, dans le but d’attirer de nouveaux profils. Ainsi, le ministre a fait part de son souhait de développer le tourisme dit durable ou alternatif. En effet, ce modèle peut attirer une nouvelle clientèle avide de nature et de dépaysement élargissant ainsi le carte géographique du tourisme en Tunisie. Les régions sont en effet le terrain idéal pour ce type de séjours. D’autant plus que la saisonnalité ne sera plus une barrière.

Afin d’améliorer la qualité du service, le ministère du Tourisme a dernièrement entériné une décision pour une révision de la classification des hôtels.

L’annulation du confinement obligatoire en Tunisie pour les personnes venues de l’étranger permettra également un regain de l’activité.

Le ministère pense aussi à mettre en place un programme spécifique pour l’accueil cet été des Tunisiens Résidents à l’étranger. Une frange non négligeable pour les recettes touristiques. Le nombre des TRE s’élève à 1,3 million personnes, dont la plupart résident en France, en Italie, en Allemagne, et dans les pays du Golfe, selon les données de l’Office des Tunisiens à l’étranger.

Toujours selon les chiffres de l’Office, les transferts de la diaspora sont évalués à plus de 4,950 milliards de dinars, chaque année, soit 5% du produit intérieur brut.

A cet égard, une commission de travail chargée de faciliter le retour des Tunisiens à l’étranger vient d’être mise en place. C’est ce qu’a annoncé le ministère du Tourisme et de l’Artisanat, le 10 mars dernier dans un communiqué.

Cette commission, dont les membres représenteront tous les ministères et structures concernés, a pour mission d’élaborer une stratégie nationale pour intégrer et associer la diaspora tunisienne au développement du tourisme national et les inciter à passer leurs vacances en Tunisie.

Mais pourtant à quelques mois de la saison estivale, aucune mesure concrète, ni publicité pour promouvoir la destination Tunisie n’a encore vu le jour. Pour le moment, les acteurs du tourisme en Tunisie vivent d’une clientèle locale durant les week-end et vacances scolaires, insuffisants pour pérenniser à long terme leur activité.

Le vaccin: la clé pour une vraie reprise

Tous les professionnels du secteur s’accordent à dire qu’au moment de la reprise, il y aura un boom du tourisme dans le monde. Une réalité que nous a confirmé Mr Khaled Rojbi, Directeur général de la plateforme Tunisie Booking, un des leader sur le marché de la réservation hôtelière en ligne.

« La pandémie et le confinement ont permis aux européens, notamment, de pouvoir mettre de l’argent de côté. Le monde entier attend la fin de l’épidémie pour pouvoir recommencer à voyager », nous dit-il.

Khaled Rojbi / DG Tunisie Booking

Tunisie Booking travaille avec le marché européen, algérien et local. Pour le moment la plateforme à mis en stand-by ses activités avec l’extérieur, ne traitant qu’exclusivement avec des clients Tunisiens. « Comme pour la saison 2020, c’est le marché local qui sauvera le secteur », souligne-t-il.

Il affirme par ailleurs, que la reprise du marché européen n’aura lieu qu’à partir du 15 mai. Il explique que les Tours Opérateurs ont programmé la destination Tunisie, mais sous une condition bien précise, celle du taux de vaccination de la population.

Si dans le monde entier, les campagnes de vaccination ont commencé il y a déjà plusieurs semaines, la Tunisie accuse un retard qui pourrait affecté la saison touristique. L’Union Européenne a déjà entamé une réflexion autour d’un passeport vaccinal, priorisant pour ses ressortissants les pays ayant bien avancer dans l’administration des vaccins.

Cette information nous a été également confirmée par, Anis Suissi, Directeur général de la plateforme « ClicnGo ». Cette agence est leader dans la vente de séjour en B2B, c’est à dire  Business to Business. Ainsi, elle vend ses produits aux agences de voyages et non aux clients directement.

Anis Suissi / DG ClicnGo

Pour lui, cette saison ne sera pas meilleure que la dernière. Les TO étrangers avec lesquels il travaille exigent aux aussi la condition du vaccin pour programmer la destination Tunisie. Par ailleurs, il déplore l’immobilisme de l’Etat. « Nos voisins comme l’Egypte ou le Maroc ont déjà mis en place une stratégie post-covid pour le tourisme. En Tunisie, ils en sont encore à faire des réunions sans pour autant avancer. Nous sommes de très mauvais communiquant », lance t-il.

Nous avons également pris contact avec le Directeur Général de Traveltodo, un des géants des agences de voyage en Tunisie. Pour Tarek Lassadi, la reprise se heurte à trois problèmes.

Le premier concerne Tunsiair. Confrontée à de nombreux déboires financiers, la compagnie nationale pourrait manquer d’avions pour pouvoir acheminer les touristes, mais aussi les Tunisiens résidents à l’étranger. « Sur une flotte de 28 avions, il ne reste plus que 4 avions en état de voler. Comment voulez-vous répondre à la demande qui sera sans doute importante cet été? », indique-t-il.

Tarek Lassadi / DG Traveltodo

D’après Tarek Lassadi, l’Open Sky peut jouer un rôle important dans la reprise du tourisme en Tunisie. Ce qui permettra d’ouvrir le ciel à des compagnie low-cost est en débat depuis une dizaine d’années et serait selon, Habib Ammar, entre les mains de l’Union Européenne.

Enfin, le DG de Traveltodo explique également qu’il va falloir trouver une solution pour héberger les touristes. En effet, avec la crise du Covid-19, de nombreux hôtels ont fermé leurs portes. Ajouter à cela la capacité d’accueil réduite des infrastructures hôtelières due au protocole sanitaire. Pour preuve, avant la pandémie, Traveltodo travaillait avec 300 hôtels à travers toutes la Tunisie. Aujourd’hui, il ne traite qu’avec 60 hôtels. « Il faut que l’Etat aident les hôteliers à faire redémarrer leur activité pour que nous puissions répondre à la demande ».

Wissal Ayadi