Tunisie : Bouzakher fait des révélations à el-Jazeera, et dévoile les raisons du conflit entre le président et le CSM

10-02-2022
Youssef Bouzakher

Le président du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), Youssef Bouzakher, a considéré la décision du président de la république, de ne pas s’orienter vers la dissolution du CSM, et d’en réviser la loi le régissant par décret-loi, comme « une manœuvre suite à la décision des membres du CSM, qui en ont rejeté la dissolution et exprimé leur attachement à son indépendance ».

Dans une interview accordée à el-Jazeera, Bouzakher a considéré que l’évocation par le chef de l’Etat d’un décret-loi portant création d’une instance provisoire transitoire, comme « un indice grave sur la fin de l’application de la constitution du pays. Le Conseil va se transformer, le cas échéant, d’une autorité élue à un Conseil désigné, ce qui signifie le retour à la réalité de la magistrature, à l’époque de Ben Ali, voire pire que cela ».

Et de poursuivre : « La question est de savoir comment les membres de cette instance provisoire seront-ils désignés, d’autant que le Conseil comporte un mélange de magistrats administratifs, judiciaires et financiers. Je ne sais pas comment cette diversité va-t-elle être traitée au sein du Conseil, si on allait se limiter aux magistrats uniquement, ou va-t-il englober les autres professions ? »

S’agissant des raisons du conflit entre Kaïs Saïed et les magistrats, qui seraient imputées au projet de loi sur la réconciliation pénale, Bouzakher a rétorqué : « il semble que oui, et il semble que c’est la raison directe. D’autant que le président l’a évoqué, il n’était pas satisfait de l’avis consultatif présenté par le Conseil. Nous avons considéré que ce décret-loi touche la construction constitutionnelle, en tant qu’instance constitutionnelle, nous ne sommes pas tenus d’approuver les projets qui nous sont présentés ».

« Nous avons déjà rejeté des projets qui nous étaient soumis, comme le projet d’amendement de la loi régissant la Cour constitutionnelle, et nous avons, alors, été victimes d’une large campagne calomnieuse, de la part des députés du parlement ».

« Il y a un autre différend, lié au fait que le président n’est pas satisfait des nominations des magistrats et son envie d’avoir un rôle en la matière », a-t-il ajouté.

Sur sa réaction aux déclarations du ministre des Affaires étrangères devant les ambassadeurs du G7, Youssef Bouzakher a répondu : « Si le remplacement d’un conseil élu, et une instance constitutionnelle élue, est une rectification du processus démocratique, de quelle démocratie parlions-nous ? »

S’agissant de la position du bâtonnier de l’ordre des avocats, Bouzakher a répondu en ces termes : « le bâtonnier n’a pas caché son envie de se positionner au sein du CSM, comme il en avait déjà fait la demande et œuvre y être membre. Ce qui m’a étonné c’est l’absence de clarté de sa position dès le début. Lorsque nous avons rencontré Monsieur le bâtonnier, et c’est acté dans des PV, il a exprimé son refus de dissoudre le Conseil, il a, par la suite, changé d’avis ».

Le barreau avait critiqué, dans un communiqué, le conseil supérieur de la Magistrature, l’accusant d’avoir échoué à assurer la bonne marche du système judiciaire, en fustigeant au passage la grève des magistrats, la considérant comme étant illégitime.

Gnetnews