La Tunisie se dirigerait vers plus de radicalité au terme d’un référendum controversé !

26-07-2022
Kaïs Saïed à l'avenue Habib Bourguiba après la fermeture des bureaux de vote.

Entre Kaïs Saïed et l’opposition, c’est de la bonne guerre. Avec un score à la soviétique et une écrasante majorité pour le Oui dépassant les 92 %, le président en exercice est totalement en droit de pavoiser, d’acclamer victoire, et d’haranguer la foule à l’avenue Habib Bourguiba. Face à un faible taux de participation, et un fort taux d’abstention, ses détracteurs ont, néanmoins, des motifs d’affirmer qu’il a échoué à mobiliser et à rallier la majorité des Tunisiens à sa cause. C’est tout le débat entre légalité et légitimité qui va se poser la prochaine période.

Les estimations sortie des urnes qui seraient, fort probablement, confirmées par l’instance électorale, montrent qu’un quart de Tunisiens en âge de voter, sont totalement acquis à la cause du président Kaïs Saïed, et le soutiennent corps et âmes.

Certes le taux d’abstention est très fort, aux alentours de 75 % et le taux de participation est, donc, très faible 25 % (un quart du corps électoral), mais le Oui l’a emporté hier, jour du référendum, nettement et sans équivoque, en recueillant plus de 92 % des suffrages.

La nouvelle constitution devrait ainsi être entérinée et serait en passe de devenir la 3ème de l’histoire de la Tunisie post indépendance après celle du 1er juin 1959, et du 27 juillet 2014.

Face à ces résultats, les querelles entre le président en exercice et l’opposition auront de beaux jours devant elles, et risquent de se radicaliser. Chaque camp trouvera dans les résultats de cette consultation référendaire, des arguments pour s’attaquer, voire désarçonner le camp adverse.

Le contexte mondial est en défaveur de la Tunisie 

Tout d’abord, et indépendamment du processus enclenché il y a une année et ayant présidé à la tenue du référendum du 25 juillet 2022, les résultats issus hier des urnes, n’ont rien d’atypiques ou de singuliers à la Tunisie, pour peu que l’on regarde ce qui se passe ailleurs.  Les démocraties les plus anciennes traversent, en effet, une crise profonde et sont, de plus en plus, menacées par le spectre d’une désaffection grandissant de la politique.

Même dans ces démocraties, le désintérêt et le faible taux de participation sont les traits les plus distinctifs des échéances électorales. L’exemple édifiant est en France, où le taux d’abstention va crescendo d’un scrutin à un autre. Un taux qui a dépassé les 54 % lors des dernières législatives, privant le président Macron réélu pour un second quinquennat, de la majorité qualifiée comme l’étaient tous ses prédécesseurs de la 5ème république, d’où les difficultés que rencontre sa majorité relative aujourd’hui à l’Assemblée nationale, notamment en matière de passage des lois. C’est qui fait que le risque d’être ingouvernable pèse toujours sur l’Hexagone. L’exemple de l’Italie est tout aussi illustratif de la crise des grandes démocraties, avec la coalition de Mario Dragui qui vole en éclats, obligeant cet homme politique de qualité à jeter l’éponge et plongeant le pays dans l’instabilité.

Ce contexte mondial tendu, marqué par des tensions politiques, économiques, une crise alimentaire, énergétique…lesquelles tensions sont alimentées par la pandémie du Covid et la guerre Russie/ Ukraine vont jeter encore plus leur ombre sur la situation locale, et compliquer un contexte déjà très complexe.

La question est de savoir si la Tunisie qui vit des difficultés incommensurables, dont les finances publiques sont à plat, et dont la survie financière est tributaire d’un accord hypothétique avec le FMI, supporte encore des conflits politiques, et de légitimités.

Cette question est d’autant plus lancinante que le pays semble retourner à la case départ. Face à ce danger que l’acquis démocratique, obtenu de haute lutte, soit dilapidé, des coalitions et des entités militantes s’organisent et se mobilisent pour le défendre.

La bataille est, de nouveau, recentrée sur la politique et l’idéologie, alors que les problèmes de la Tunisie et des Tunisiens sont tout autres, ils ont trait, éminemment, aux droits sociaux-économiques, au pouvoir d’achat, à l’avenir de leurs enfants, à leur sécurité…ils aspirent juste vivre décemment et en paix…et ne veulent rien entendre des tiraillements et des querelles politiques qui sont à l’origine du drame tunisien pendant la dernière décennie.

En effet, dans les résultats d’hier, outre le un  quart de la population pro-Kaïs Saïed, il y a une proportion qui reste à déterminer qui lui serait hostile. La majorité silencieuse, elle, se détourne totalement de la politique et a du mal à se retrouver et à se reconnaitre dans les uns ou les autres, face à une classe politique qui a beaucoup déçu au cours des années post-révolution.

Moralité de l’histoire, ce n’est pas cette conflictualité rampante, et ce nihilisme réciproque qui nous feront progresser. Notre force est dans notre unité, et notre voie de salut est dans la réconciliation nationale afin d’éviter que le pire n’advienne ; ce sera ou le sauvetage ou le naufrage.

H.J.