Tunisie/ FMI : Les négociations prennent fin aujourd’hui, Saïed se résout aux « réformes radicales »

22-02-2022
Kaïs Saïed et Nejla Bouden

Les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) prennent fin ce mardi 22 février 2022, dans l’espoir que la situation se débloque et qu’un nouvel accord financier soit conclu entre les deux parties,

Ces pourparlers à distance avaient débuté le lundi 14 février dernier, et devaient être menés entre l’institution financière d’un côté, et les représentants de l’Etat tunisien de l’autre.

Sont directement impliqués dans ce round décisif des discussions, la ministre des Finances, le ministre de l’Economie et de la Planification, le gouverneur de la banque centrale, ainsi que d’autres membres du gouvernement en lien avec les thématiques évoquées.

Les négociations qui s’achèvent, se sont déroulées sur la base d’un document intitulé « les hypothèses et les grandes orientations de la période 2022 – 2024 », élaboré par 80 cadres de l’administration tunisienne.

Ledit document trace les principaux objectifs de la Tunisie pour les trois prochaines années, en vue de maîtriser ses dépenses, et redresser ses finances publiques, et ses grands équilibres budgétaires.

Quelles réformes, pour quels objectifs ?

La nécessaire baisse du train de vie de l’Etat passe par l’enclenchement, illico presto, de réformes de structure majeures. Lesquelles portent essentiellement sur la réforme de la caisse de compensation destinée essentiellement aux produits de base et aux hydrocarbures. Le gouvernement a commencé dès lors la levée de la subvention sur le carburant, en disant reporter « la rationalisation » de la subvention sur les denrées alimentaires à l’année prochaine. Même si le pays est déjà confronté à une pénurie de la farine et de la semoule ayant conduit certains boulangers à majorer le prix de la baguette, une augmentation que le ministère de tutelle ne cesse d’exclure.

Les grandes réformes portent également sur la baisse de la masse salariale parmi les plus élevées dans le monde, par rapport au PIB (plus de 16 %). Elles concernent la réforme fiscale, en vue de lutter contre l’évasion fiscale, d’instaurer une fiscalité stable, indispensable pour l’investissement et la pérennité de l’entreprise, et d’introduire une équité fiscale qui fait, inexorablement, défaut.

Autre chantier et non des moindres, celui des entreprises publiques. Jadis fleurons de l’économie nationale, et l’une de ses principales sources nourricières, ces entités sont confrontées, en majorité, à un lourd déficit, au point de devenir un lourd fardeau pour l’Etat.

La réforme devrait se faire selon deux principales recettes :

*Une cession totale ou partielle, voire une ouverture du capital au privé pour les entreprises opérant dans les secteurs concurrentiels,

*Une introduction des règles et pratiques de bonne gouvernance, pour les entreprises évoluant dans des secteurs stratégiques et assurant des services publics de premier ordre.

L’institution financière qui est, cette fois-ci plus sévère, exige de la partie tunisienne un respect drastique de ses engagements, pour daigner aller vers un accord ; elle réclame des réformes consensuelles, validées notamment par les partenaires sociaux.

Plus de ligne rouge sur les entreprises publiques

Tous les regards se tournent vers l’influente organisation syndicale, dont le Secrétaire Général qui rempile pour un 3ème mandat a opposé, de nouveau hier soir une fin de non-recevoir à la levée de la subvention et au gel des salaires, tout en affichant une certaine souplesse sur les entreprises publiques.

La centrale syndicale semble lever sa ligne rouge sur les entreprises publiques, et approuver un plan de réformes préconisé par le gouvernement, mais ce sera au cas par cas…

Le président de la république, Kaïs Saïed, a donné le ton hier : Des réformes radicales s’imposent pour « mettre un terme à la mauvaise gestion et à la dilapidation de l’argent public », a-t-il affirmé, lors de son entretien avec la cheffe du gouvernement, Nejla Bouden, qui l’aurait certainement tenu au fait des premiers résultats des discussions avec le FMI, à la veille de leur clôture.

L’accord avec le FMI n’est pas un choix, mais une obligation. Dos au mur, la partie tunisienne est obligée de se plier aux injonctions de l’institution financière pour pouvoir parvenir à un modus vivendi, lui permettant de renflouer les caisses de l’Etat, et de pallier, un tant soit peu, à cette crise financière aiguë, jamais connue de son histoire, et qui dépasse, par sa gravité, celle de 1986, et son fameux plan d’ajustement structurel (PAS).

Les gouvernements qui se sont succédé après la révolution ont tous averti contre des réformes douloureuses, mais il semble que la vraie douleur sera ressentie maintenant. Les Tunisiens seront astreints de se serrer davantage la ceinture, dans un contexte de cherté ambiante, et de dégradation du pouvoir d’achat. Reste maintenant à savoir comment les sacrifices seront-ils répartis entre les différentes catégories socioéconomiques, afin que les classes moyenne et modeste, déjà confrontées à des fins de mois difficiles, ne soient pas les seules à payer la facture de ces réformes tardives…

La Rédaction