Tunisie : Foyers publics, privés, colocation…le casse-tête du logement à la veille de la rentrée universitaire (Enquête)

06-09-2021

Après l’émotion de la réussite au baccalauréat, vient le moment de l’université vers laquelle les futurs étudiants seront orientés. Si certains ont la chance de pouvoir intégrer un établissement près de leur domicile, d’autres sont forcés de s’éloigner et donc de chercher un logement. 

Malgré l’existence de près d’une centaine foyers universitaires publics et privés sur le Grand Tunis, plusieurs étudiants font le choix de louer un appartement seul ou en collocation, pour plus de liberté et d’autonomie…Quels sont les avantages et les inconvénients de chaque type de résidence estudiantine ? Sur quels critères les jeunes se basent-ils en choisissant leur future habitation ?

Nous avons décidé d’enquêter sur ces types de logements en comparant les prix, les avantages et les inconvénients. Nous avons également récolté quelques témoignages. Enquête.

Les étudiants affectés dans des universités loin de chez eux optent, dans leur majorité, pour les foyers publics, comme première option de logement, et cela pour plusieurs avantages.  Mais, ceci ne relève pas de l’évidence, « seuls les bacheliers inscrits dans une université, ou les personnes ayant réussi le concours de réorientation, ainsi que les étudiants souffrant d’un handicap, et les boursiers ont droit au logement universitaire public, qui est à 10 dinars par mois ». C’est ce que nous a expliqué un ancien directeur général de l’office des œuvres universitaires pour le nord (OOUN).

Par ailleurs, d’après une chargée de logement dans un foyer universitaire public à Menzeh 7, la plupart des étudiants qui répondent à ces critères sont acceptés. Ils ont droit à un lit dans une chambre de deux personnes au maximum, à cause des risques de la pandémie du covid-19. Il existe aussi des chambres individuelles consacrées aux personnes ayant des besoins spécifiques physiques ou psychologiques qu’ils doivent justifier par un dossier médical.

Les étudiants ont une cuisine commune, avec une cuisinière. La propreté dans les espaces communs est assurée par les femmes de ménage du foyer, quant aux chambres elles doivent être nettoyées par les étudiants à cause du manque d’effectif du personnel dans cet établissement. Le foyer dispose aussi d’une infirmerie, une salle de lecture avec wifi et une autre de télévision. On propose aussi des clubs culturels et sportifs.  Sans oublier que les règles sont strictes à l’établissement pour des raisons de sécurité et de discipline, comme l’interdiction de sortie ou d’entrée à partir de 20h l’hiver et 21h en été, nous a révélé la chargée de logement.

En l’interrogeant sur les différents problèmes pouvant survenir, en présence de 450 étudiants répartis sur six blocs, l’employée nous a répondu que l’incompatibilité entre colocataires demeure le souci le plus fréquent. « Aussi le bruit, l’hygiène, le vol, et le respect de l’intimité au sein de la chambre », a-t-elle ajouté.

En effet, malgré les avantages qu’offrent les foyers publics, plusieurs étudiants fuient ces conditions en quête d’autonomie et plus de liberté. Les plus aisés ou ceux qui n’y ont pas trouvé une place se dirigent vers les foyers privés qui sont plus chers, et ne répondent pas souvent aux critères imposés par le cahier des charges des autorités de tutelle, nous a révélé l’ancien DG de l’OUUN.

Ces établissements proposent des tarifs allant de 100 dinars à 190 dinars la chambre individuelle. Il faut compter entre 75 et 160 dt pour la chambre double ; le prix  de la triple est compris entre 70 et 110dt.

Des tarifs qui sont plutôt chers pour les étudiants ayant également d’autres charges supplémentaires de transport, nourriture et argent de poche.

« Néanmoins, malgré les dépenses sacrifiées pour bénéficier d’un toit dans ces foyers privés, les carences sont chaque année notifiées par les services de contrôle. Absence d’eau chaude, manque d’hygiène, pas d’infirmerie et de sécurité en cas d’incendie ainsi qu’à l’extérieur…plusieurs résidences estudiantines privées sont situées dans des quartiers très populaires non sécurisés, d’où la possibilité de braquages, et d’agressions aux alentours… », a indiqué l’ancien responsable, appelant les étudiants notamment les filles à choisir minutieusement leur future résidence.

Pour les étudiants ayant peu de moyens, être admis dans un foyer public constitue une réelle chance et  une solution, malgré ces éventuelles contraintes. C’est le cas de Wijdène. Originaire d’une zone agricole du Nord du pays, la future étudiante en design image a été retenue à l’université des arts et métiers de Mahdia. Il s’agit là de sa première expérience loin de chez elle.

 « J’ai choisi la solution du foyer public car d’une part ce n’est pas cher et d’autre part, je me sentirai rassurée d’être avec d’autres filles de la fac », nous confie-t-elle. Pour obtenir une chambre en foyer public, Wijdène a effectué une demande en ligne et a dû  justifier de la situation financière de ses parents. « J’ai 2 autres filles de ma région qui ont été acceptées dans la même fac ; on a, de ce fait, demandé une chambre de trois lits ».

Les frais pour le foyer public sont symboliques. Ainsi, la future étudiante ne paiera que 40DT pour toute l’année. Afin de faire baisser la charge pour ses parents, de son année scolaire, Wijdène a travaillé tout l’été dans une boutique de téléphonie.

« J’ai mis de l’argent de côté pour les frais d’inscription de la fac et du foyer, ainsi que pour les premières semaines de mon installation », nous dit-elle.  Pour ce qui est de la restauration, elle pourra compter sur les bons de repas achetés pour la modique somme de 200 millimes.

La seule charge importante est le coût du transport. Wijdène a fait le choix de ne voir sa famille qu’une semaine sur deux.

Hanane est l’heureuse maman de Aziz. Elève studieux, il a obtenu son baccalauréat avec une très belle moyenne… ce qui lui a permis d’intégrer l’université de son premier choix, située à Mateur dans le gouvernorat de Bizerte à une trentaine de minutes en voiture de son domicile. Pourtant, ses parents ont pris la décision de lui louer un appartement qu’il partagera avec un de ses amis, lui aussi admis dans la même université. 

« Pour moi il était hors de question que mon fils aille en foyer privé ou public. D’abord pour l’hygiène. Partager des sanitaires et une cuisine en commun c’est un risque surtout avec la pandémie de Covid-19. De plus mon fils est très sérieux… Il ne fume pas, ne consomme pas d’alcool et il a besoin de repos et de concentration. Il sera beaucoup plus à l’aise dans son propre chez-lui », nous dit Hanane. 

Pour ce S+2 non meublé, le loyer s’élève à 250DT que les deux étudiants se partageront. Une somme qui peut paraître dérisoire par rapport aux prix pratiqués dans la capitale  ; « Pour la nourriture, j’ai prévu de préparer à mon fils des plats que je lui apporterai 2 fois par semaines en plus des week-ends où il rentrera à la maison », ajoute la maman. 

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi