Tunisie : « Il a dissous le Conseil supérieur de la Magistrature, qu’il dissolve le ministère de l’Intérieur » (Hmaïdi)

08-02-2022
Anas - Hmaidi

Le président de l’association des magistrats tunisiens, Anas Hmaïdi, a affirmé ce mardi 08 février que la magistrature est un pouvoir, et non une fonction, comme le considère le président de la république, invoquant l’article 102 de la constitution qui régit le pouvoir judiciaire.

Intervenu cet après-midi sur Mosaïque, Hmaïdi a rejeté énergiquement la décision de Kaïs Saïed de dissoudre le conseil supérieur de la Magistrature, l’accusant  « de vouloir asseoir sa mainmise sur le pouvoir judiciaire, inféoder les magistrats et nous faire revenir à la justice des instructions, avec des affaires qui sont jugées par des coups de téléphone de Carthage et du ministère de l’Intérieur, comme c’était le cas, auparavant ».

La Tunisie a rompu, d’une manière irréversible, avec ce type de justice, a-t-il asséné.

Hmaïdi ne perçoit pas, par ailleurs, dans la démarche présidentielle une volonté de réforme, ni de point de vue de la manière, ni du timing…, estimant que la réforme devrait procéder « d’une approche participative ».

« Nous sommes parmi les tenants de la réforme de la justice, nous voudrions que ce dossier soit ouvert, nous étions les premiers à avoir adressé des critiques virulentes contre la justice, et le Conseil supérieur de la Magistrature », mais la réforme ne pourrait être menée par l’atteinte aux institutions et la dissolution du CSM », a-t-il souligné. 

Anas Hmaïdi a pointé « un franchissement des lignes rouges sur lequel, le corps judiciaire ne pourrait garder le silence ».

« En procédant de la sorte, le chef de l’Etat est en train d’attenter à la construction démocratique et constitutionnelle de l’Etat. En s’en prenant à la justice, ce sont les droits et les libertés des Tunisiens qui sont menacés, tout autant que la liberté d’expression, la liberté de réunion, de rassemblement, et.(…). Le jour viendra où les Tunisiens pleureront la perte de leurs libertés », a-t-il averti en substance.

Le président de l’Association des magistrats tunisiens voit, par ailleurs, d’un mauvais œil les attaques récurrentes du président de la république contre les magistrats. « Le président du CSM a reçu des menaces d’un plan le visant, idem pour plusieurs autres magistrats, » a-t-il déploré.

Il a, par ailleurs critiqué, les propos du président de la république, ayant évoqué « des missiles » lancés contre les magistrats, dans un discours prononcé au milieu de la nuit depuis le ministère de l’Intérieur.

S’agissant des dossiers des assassinats politiques, Hmaïdi a déclaré qu »’il n’y a pas que les parcours judiciaires dans ces affaires, le ministère de l’Intérieur a aussi des dossiers. Il a dissous le CSM, qu’il dissolve le ministère de l’Intérieur », a-t-il lancé.

Selon ses dires, « ceux qui soutiennent le programme du président de la république sont les magistrats à l’écharpe rouge et mauve, qui sont connus de tous » (pour leur allégeance à l’ancien régime), critiquant au passage « la position du bâtonnier de l’ordre des avocats qui est pour que le CSM soit présidé par le président de la république, à travers la ministre de la Justice, devant siéger en son sein ».

Le président de l’AMT a appelé, en somme, le président de la république à se rétracter sur ses décisions, sinon les magistrats feront tout ce qui en leur pouvoir, pour défendre l’autorité judiciaire.

Le Bureau exécutif de l’Association des magistrats tunisiens avait annoncé ce matin des actions militantes en signe de protestation contre la dissolution du CSM, dont la suspension des travaux au sein des tribunaux les mercredi et jeudi 09 et 10 février.

Gnetnews