Tunisie : La désignation d’un chef du gouvernement et le possible « péril imminent » !

23-07-2020

Ce jeudi 23 juillet 2020 est la date butoir pour que les partis, coalitions, et blocs parlementaires fassent parvenir leurs propositions et candidats à la succession d’Elyes Fakhfakh au président de la république.

Le chef de l’Etat avait envoyé il y a tout juste une semaine, jeudi dernier, des correspondances aux parties précitées les invitant à dévoiler les noms qu’ils souhaitent voir accéder au fauteuil de la Kasbah, conformément aux dispositions de l’article 89 de la constitution.

Le processus de désignation d’un nouveau chef du gouvernement fait suite à la démission d’Elyes Fakhfakh de son poste, sur fond d’une affaire de conflits d’intérêts.

Ce processus intervient dans une atmosphère tendue, marquée par les déclarations du président de la république sur  » les complots qui se trament contre la Tunisie, par des parties extérieures avec des complicités intérieures ».

Kaïs Saïed avait fustigé la nuit de mardi devant les militaires, et puis les sécuritaires, « les manœuvres qui se préparent pour attenter à la légalité », promettant d’appliquer la loi avec fermeté contre ces tentatives.

Bourbier politique et économique

L’hypothèse de dissoudre le parlement et d’appeler à des élections anticipées parait, en l’état actuel, peu probable, étant assortis de délais constitutionnels, qui donne au président de la république cette possibilité, une fois quatre mois se seraient écoulés sans que la formation gouvernementale n’obtienne la confiance de l’Assemblée.

Le 4ème paragraphe dudit article dispose que : « Si, dans les quatre mois suivant la première désignation, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) n’ont pas accordé la confiance au gouvernement, le Président de la République peut décider la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple et l’organisation de nouvelles élections législatives dans un délai d’au moins quarante-cinq jours et ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours ».

L’autre hypothèse est que le chef de l’Etat proclame dans une adresse au peuple, « le péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics », comme le stipule l’article 80 de la loi fondamentale.

«Le Président de la République peut prendre les mesures qu’impose l’état d’exception, après consultation du Chef du Gouvernement, du Président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le Président de la Cour constitutionnelle. Il annonce ces mesures dans un message au peuple », selon ce même article.

En l’absence de la Cour constitutionnelle, dont les membres n’ont pas été élus plus de 6 ans après l’adoption de la nouvelle constitution du 27 janvier 2014, c’est le président de la république qui est serait habilité à décider du maintien ou de la fin de ces mesures, prises, dans un premier temps, pour trente jours. Selon le même article, « ces mesures prennent fin dès la cessation de leurs motifs ».

Après l’annonce du couvre-feu et du confinement total pendant la période du Coronavirus dans le but de freiner la propagation de l’épidémie du Coronavirus et de surmonter la crise sanitaire, l’on s’attend en cet été 2020 face cette crise politique sans précédent touchant les institutions de l’Etat, à une annonce encore plus décisive pouvant changer le fonctionnement des rouages de l’Etat, et le paysage politique général à titre temporel ou durable.

Ceci est d’autant plus vraisemblable que la sortie médiatique du chef du gouvernement démissionnaire corrobore la parole présidentielle, à travers son appel « de protéger l’Etat de toutes les infiltrations intérieures et extérieures« .

C’est dans ce contexte de suspicions et d’incertitudes que sera mené le processus de formation du prochain gouvernement. Un tel processus sera-t-il enclenché comme le prévoit la constitution, ou en sera-t-il autrement dans la perspective des annonces attendues.

De toutes les façons, les partis dépêchent, aujourd’hui même leurs réponses au président de la république…plusieurs noms circulent comme Mohamed Abbou et Ghazi Chaouachi (Courant démcrate), Sonia Ben Cheikh et Slim Azzabi (Tahya Tounes), Fadhel Abdelkefi (Qalb Tounes), Khayam Turki et Mongi Marzouk (Ennahdha), Lotfi Mraïhi (UPR), Ridha Charfeddine (bloc national) et autres.

La coalition de la dignité a, elle, annoncé ce jeudi « l’arrêt de toutes les concertations autour du nom du prochain chef du gouvernement ».

La coalition d’el-Karama dit rejeter « la formule des concertations par correspondance, et décide de ne donner aucun nom ou liste de candidatures », ni en son nom ni dans le cadre d’une coalition. Elle estime que « le choix du président est tranché, et que la décision de la désignation est prête, et ces concertations en papier auront le même destin, que la première fois, soit la corbeille du palais. »

L’espoir reste placé dans le chef de l’Etat  de choisir une personnalité fédératrice et doté de l’expérience, l’intégrité et des compétences requises, pour pouvoir sortir la Tunisie de ce bourbier politico-économico-social dans lequel elle ne cesse de s’enliser.

La Rédaction