Tunisie : « L’Etat risque de s’effondrer, il est urgent de sauver ce qui peut l’être encore » (Bayahi)

31-01-2022
Taieb - Bayahi

TAP – La loi de finances(LF) pour l’exercice 2022 reste irréaliste par rapport aux changements qui s’opèrent au niveau mondial et comporte de nombreuses contradictions dans les hypothèses sur la base desquelles elle a été adoptée, a indiqué le Président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), Taïeb Bayahi

Dans unelongue  interview accordée à l’Agence TAP, il a estimé que « La LF 2022 ne peut jouer un rôle d’incitateur pour les entreprises notamment avec les contraintes qu’elles recèle et le manque de clarté qui permettrait de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) ».

Il a indiqué qu’une lecture de la LF 2022, met en lumière plusieurs erreurs qui se répètent dans chaque projet de loi de finances dont le manque de précision dans les hypothèses retenues lors de son élaboration, ce qui nécessite l’adoption d’hypothèses objectives basées sur des prévisions acceptables et claires et ce dans l’objectif de réduire la marge d’erreur entre ces hypothèses et les résultats effectifs.

La deuxièmement erreur est la contradiction qui existe entre la LF 2022 et le programme de réforme annoncé avec le FMI, a-t-il souligné en substance.

Risques de stagnation économique

L’Etat tunisien risque de s’écrouler et il est urgent de sauver ce qui peut encore être sauvé dans les plus brefs délais, a prévenu le président de l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE), Taieb Bayahi, soulignant que « la conjoncture économique actuelle ne nous permet pas de perdre encore du temps Â».

« Le Forum Economique International définit l’effondrement d’un Etat par son incapacité à mettre en Å“uvre sa politique et à imposer sa loi, ce qui est actuellement le cas en Tunisie qui vit une conjoncture difficile depuis 2011 Â», a déclaré le président de l’IACE dans un entretien accordé à la TAP.

« Dans un rapport publié, ce mois-ci, le forum avait classé, la Tunisie parmi les cinq pays qui sont menacés par le spectre de l’effondrement de l’Etat; à l’instar du Liban, du Venezuela, du Nicaragua et du Pérou Â», a-t-il encore indiqué, ajoutant que « tous les indicateurs montrent que l’économie nationale est en train d’agoniser Â».

D’après ce même rapport, la Tunisie fera face d’ici les deux prochaines années à de multiples risques, dont l’effondrement de l’Etat, l’endettement, le chômage, la poursuite de la stagnation économique et la prolifération de l’activité économique informelle.

Pour prévenir ce risque, Bayahi a préconisé de mettre en place une constitution sociale et économique car les contraintes financières et les besoins économiques urgents ne peuvent pas attendre l’élaboration d’une feuille de route politique et l’instauration d’un nouveau régime politique.

Selon lui, cette constitution doit dépasser la définition d’un contrat social et consacrer une vision économique et des choix qui font l’objet de consensus, soulignant que toutes les institutions devront être appelées à mettre en Å“uvre cette constitution.

Une feuille de route pour la mobilisation des ressources financières

Bayahi a révélé que l’Institut publiera, prochainement, une feuille de route politique qui s’articulera autour de trois axes. Le premier axe prévoit la nécessité de trouver un consensus national autour des réformes à mettre en place afin de pouvoir engager des négociations avec le Fonds Monétaire National (FMI). Cela permettrait à la Tunisie une sortie sur le marché international, estime le resposnable.

Ce consenus, a-t-il préconisé, doit être trouvé dans les six premiers mois de 2022.

Pour ce qui est du deuxième axe, a-t-il indiqué, il met l’accent sur l’impératif de ne laisser en aucun cas le volet politique prendre le dessus sur celui économique.

S’agissant du troisième axe, il souligne l’importance de surmonter les conflits politiques et trouver une nouvelle stratégie pour grantir l’unité nationale et consacrer la transition politique.

Le repositionnement de l’entreprise en termes de compétitivité est possible

La Tunisie est capable de se repositionner dans le domaine de la compétitivité et peut sortir de la crise économique actuelle, a affirmé le président de l’IACE.

Il a, dans ce cadre, recommandé l’élaboration et la mise en Å“uvre d’une stratégie de travail complète axée sur des réformes économiques visant à rétablir les équilibres économiques (réforme des subventions, entreprises publiques, réforme fiscale…).

Bayahi a proposé, également, la mise en place d’une nouvelle politique industrielle, d’ouvrir la porte à l’investissement et d’améliorer le climat des affaires, afin de regagner des taux de croissance supérieurs à 5%.

Il s’agit aussi d’investir dans le capital humain et d’orienter des ressources supplémentaires vers les secteurs de la santé et de l’éducation, en plus de la mise en Å“uvre de réformes structurelles dans ces secteurs, et ce, dans le cadre d’une feuille de route convenue, a-t-il souligné.

Au sujet de la dominance des grandes entreprises par rapport aux Petites et moyennes entreprises (PME), Bayahi a expliqué que l’absence de grandes entreprises ouvrira la porte à un plus grand dilemme, qui est la domination complète des investissements étrangers.

« Nous n’avons pas d’autre choix que de soutenir ces entreprises qui peuvent accompagner et même appuyer les PMEs et les startups en termes de développement à l’étranger Â», a-t-il recommandé.