Une étude révèle la réalité du monde agricole tunisien

03-07-2019

Le Groupe de Travail pour la Souveraineté Alimentaire a divulgué tout récemment les résultats d’une étude sur les politiques publiques agricoles et leurs impacts sur les systèmes de production.

L’étude « Agriculture – Aliment – Souveraineté Â», tente de mettre en lumière les principales caractéristiques des politiques agricoles tunisiennes Â».

Elle s’est articulée autour de deux principales thématiques : la réalité du monde agricole tunisien et le concept de souveraineté alimentaire.

« Les filières étudiées sont les productions essentielles dans la structuration de la carte agricole (agrumes, olives et dattes), réparties dans les zones géographiques dont les structures sociales, économiques et culturelles sont différentes, à savoir Kébili, Sidi Bouzid, Béja et le Cap Bon Â».

Les mécanismes d’accumulation des profits
Malgré le potentiel important dont dispose le domaine agricole tunisien, la problématique structurelle représente un des premiers obstacles pour l’évolution de ce secteur.

Selon cette étude, il s’agirait tout d’abord, de la domination d’une minorité d’investisseurs et de grands propriétaires fonciers, qui détiennent la plupart des terres agricoles. Soit 80% des agriculteurs qui ne dispose que de 20% des terres. C’est-à-dire, 400.000 locateurs, partagent 960.000 hectares, avec une moyenne de 2.5 hectares, pour chacun.

Par ailleurs, « l’étude s’est penchée sur l’investissement agricole privé tunisien et étranger dans les domaines agricoles publics. Elle a présenté aussi, le bilan de la privatisation progressive des terres domaniales, enclenchée dès les années 70 suite à l’avortement de la politique des coopératives Â».

Deux domaines : « Itizez 2 Â» et « Itizez 3 Â», situé dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, ont été sélectionnés pour illustrer le bilan de la privatisation agricole à travers les Société de Mise en Valeur et de Développement Agricole (SMVDA) et les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette politique Â».

L’abandon des activités agricoles
Les agriculteurs qui ont abandonné leurs activités, à cause de l’accumulation de dettes, et de la non rentabilité de leurs productions, sont par ailleurs en nette progression. Dans ce contexte, « l’union tunisienne de l’agriculture et la pêche a révélé que 12 000 agriculteurs ont changé d’activité en 2018 Â».

Selon cette étude, il existe un autre phénomène, qui menace la sécurité alimentaire en Tunisie ; c’est les changements climatiques et la dégradation de la qualité des ressources en eau.

« La Tunisie occupe la 33ème place sur la liste des pays qui vont subir un important manque en eau, en 2040. En outre, selon une étude publiée par la revue stratégique sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Tunisie (2017), 80% des ressources hydriques non conventionnelles seront en voie de disparition Â».

L’encouragement des monocultures produisant pour l’exportation
La détérioration des institutions agricoles locales a contribué à la fragilisation du secteur. Ceci revient à l’augmentation des prix des intrants agricoles et la non considération du coût de la production, du lait par exemple, et de l’élevage des volailles en particulier…
« Le mythe de « l’exportation Â» est déconstruit par la mise en évidence de la non-rentabilité, du déséquilibre croissant de la balance alimentaire et de l’augmentation de la dépendance, auxquels s’ajoutent des effets désastreux sur la force de production principale : la paysannerie Â», a expliqué l’un des auteurs de l’étude, Wassim Laabidi.

Il est à rappeler que, le déficit de la balance alimentaire en Tunisie, s’est élevée à 1354.6 millions de dinars en 2017, contre 1075.7 millions de dinars en 2016.

« Ce déficit s’explique par l’augmentation des importations alimentaires, qui ont atteint les 23.9% entre l’année 2013 et 2017, sachant que ces importations concernent les matières premières alimentaires, en dépit du blé dur, le blé tendre, et le lait et ses dérivés. Ce phénomène figure parmi les premières causes de la dépendance alimentaire.

Le membre du GTSA, Wassim Laabidi, a indiqué aussi que : « malgré l’évidence et l’universalité du droit humain fondamental à l’alimentation, il existe un système mondial de domination contrôlant les systèmes de production et de distribution des aliments et assignant les peuples à ses intérêts et desseins Â».

« A la tête de ce système, des institutions financières internationales, des puissances économiques et des multinationales, agissant à travers des réseaux affairistes locaux soutenus par des Etats dépendants Â», conclut-il.

Emna Bhira