Vers une reconnaissance légale des « barbechas » : une étude plaide pour l’encadrement du travail informel de collecte des déchets

Une récente étude intitulée « Les Barbechas, ou l’économie des déchets en Tunisie, de la décharge de Borj Chakir aux rues de la capitale », recommande l’instauration d’un cadre légal pour structurer et reconnaître la profession de collecteurs informels de déchets, appelés communément « barbechas ».
Réalisée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), cette recherche met en lumière le rôle incontournable de ces acteurs non officiels dans le système complexe de gestion et de valorisation des déchets en Tunisie. En complément des structures institutionnelles – telles que l’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED) et les municipalités – les « barbechas » participent activement à la collecte, au tri et à la revente des matériaux recyclables (plastique, verre, aluminium, papier), malgré des conditions de travail précaires.
Un système parallèle de tri imposé par la réalité du terrain
Le rapport, présenté lundi, s’appuie sur une enquête de terrain menée auprès de 144 collecteurs de déchets, dont 49,3 % exercent à l’intérieur du principal site de traitement des déchets en Tunisie, la décharge de Borj Chakir. Les autres opèrent dans les espaces publics de la capitale. L’échantillon étudié est composé à 77,1 % d’hommes et à 22,9 % de femmes, tous travaillant de manière informelle.
Les chercheurs soulignent que, face à l’absence d’une stratégie étatique réellement fonctionnelle en matière de tri sélectif, les « barbechas » ont mis en place un système parallèle de tri et de valorisation, permettant d’acheminer les matières vers des entreprises de recyclage. Ce système non réglementé, bien que marginalisé, s’est imposé de facto comme un rouage de l’économie circulaire tunisienne.
Des conditions de vie précaires et un encadrement inexistant
Les conclusions de l’étude pointent les conditions sociales et économiques fragiles de ces travailleurs, souvent invisibilisés et stigmatisés, mais indispensables. L’un des obstacles majeurs rencontrés lors de la recherche a été l’absence de données officielles sur leur nombre, leur répartition géographique et leur activité. Le caractère informel et mouvant de leur présence rend difficile toute tentative de recensement ou de régulation.
Le site de Borj Chakir, plus grande décharge de Tunisie, illustre cette réalité. Étalé sur 124 hectares, il accueille chaque jour environ 3 000 tonnes de déchets provenant de 38 municipalités de la région du Grand Tunis (Tunis, Ben Arous, Ariana et Manouba). Plus de 300 « barbechas » y opèrent quotidiennement.
Initialement prévu pour la gestion organisée des déchets par enfouissement, le site a vu émerger, au fil des années, une main-d’œuvre informelle qui a modifié les dynamiques internes et les logiques de traitement des ordures.
Vers une reconnaissance de la contribution des « barbechas »
En définitive, le FTDES appelle à une reconnaissance juridique de cette activité et à l’intégration des « barbechas » dans la stratégie nationale de gestion des déchets. L’objectif : garantir à la fois une meilleure efficacité écologique et une protection sociale minimale pour ces travailleurs de l’ombre, qui trient les déchets de la société sans bénéficier de ses protections.
Gnetnews