Tunisie : Les trois principaux défis du nouveau chef du gouvernement (Expert)
Le moins que l’on puisse dire c’est que la tâche sera loin d’être facile. Fraîchement nommé à la tête du gouvernement, Ahmed Hachani, aura plusieurs défis à relever dans un contexte économique et social difficile.
Croissance en berne, pouvoir d’achat en chute, inflation galopante et tensions sociales, tels sont les combats que devra mener le nouveau locataire de la Kasbah.
Hamza Meddeb, chercheur au Carnegie Middle East Center, évoque trois principaux défis auxquels devra faire face le chef de gouvernement et ce dès les rentrée de septembre.
Les gestion des pénuries
Depuis plusieurs mois, la Tunisie fait face à des pénuries de produits alimentaires sans précédent. Hormis le sucre, la farine, la semoule, le café ou encore le riz, la dernière en date concerne un aliment essentiel au quotidien des Tunisiens, le pain.
En effet, le président de la république Kaïs Saïed a demandé la mise en place de mesures urgentes pour abolir la classification des boulangeries, une disposition qui est en vigueur depuis 2011. Cette classification permet aux boulangeries qualifiées de « modernes » d’obtenir de la farine, qui est normalement sous le monopole de l’État via l’Office des céréales, afin de produire différents types de pain vendus à des prix libres.
Une décision qui a mené les boulangeries modernes à monter au créneau en organisant à partir du lundi 7 août, un sit-in devant le ministère du Commerce. Or sur cette question, Kaïs Saïed a été claire : il y aura un seul type de pain pour les Tunisiens pour assurer l’approvisionnement nécessaire.
Ainsi, ce sont 1500 boulangeries qui sont menacées de mettre la clé sous la porte, entre 10.000 et 15.000 personnes qui risque de se retrouver au chômage et une offre en pain qui devrait diminuer.
« Il semblerait que les pénuries et la crise du pain notamment, aient été mal gérées par Najla Bouden. D’ailleurs, depuis des mois les rapports entre Bouden et le président Saïed n’étaient pas au beau fixe et c’est surement cette question du pain qui a poussé Saïed à changer le locataire de la Kasbah. Ainsi, Ahmed Hachani devra faire en sorte d’assurer l’approvisionnement suffisant en blé, farine et semoule, sachant la récolte désastreuse et également faire face à une offre de pain qui diminue », nous dit Hamza Meddeb.
Par ailleurs, ce dernier précise que la saison de l’été est également celle des commandes à l’international. « Le pays doit acheter du blé le plus tôt possible car les prix risquent de flamber dans les prochaines semaines ».
En effet, le chercheur rappelle que l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes a été suspendu le 17 juillet dernier par la Russie. Cet accord garantissait depuis un an l’exportation sécurisée des céréales ukrainiennes via la mer Noire.
« Il y a des risques que les prix s’envolent. A noter que nos voisins égyptiens viennent d’obtenir un prêt Emirati de 400 millions de dollars afin d’assurer l’approvisionnement en blé ukrainien », souligne Meddeb.
Ainsi, la Tunisie devra trouver les ressources nécessaire, surtout dans un moment où le pays manque de devises.
Rentrée scolaire et dialogue social
Autre événement et non des moindres la rentrée scolaire. En effet, il est peu de dire que l’année scolaire passée a été difficile, entachée, et ce dès septembre 2022, par des désaccords entre les syndicats d’enseignants et le ministère de l’Education qui ont conduit à une rentrée scolaire tardive, à une crise des enseignants vacataires et surtout à la rétention des notes dont la dénouement n’a pris fin qu’en juin dernier.
« Si une sortie de crise a été finalement trouvée avec le syndicat de l’enseignement secondaire, cela n’a pas été le cas avec le syndicat de l’enseignement de base. De plus, au moment des vacances d’été, les responsables syndicaux ont prévenu le gouvernement qu’ils se retrouveraient à la rentrée pour continuer de clamer leurs revendications », affirme Hamza Meddeb.
Budget et loi de finances
La rentrée fera l’objet de défis économiques importants pour l’avenir de la Tunisie. En effet, Hamza Meddeb rappelle la successions d’échéances de remboursement de dette. « Il y a des échéances en septembre, octobre et en fin d’année », relève-t-il.
« De plus il y aura la loi de finances 2024 qui devra être soumise au parlement au mois d’octobre pour qu’elle soit discutée, tout en sachant que l’année ne peut pas se clôturer sans la loi de finances complémentaire de 2023. Ainsi, le gouvernement de Ahmed Hachani sera très attendu sur cette question », ajoute le chercheur.
Sans accord avec le FMI, la Tunisie devra assurer la mobilisation de ressources afin de financer le budget, qui rappelons-le a été élaboré sur la base d’un accord avec le Fonds.
Il faudra également ajouter à ces trois défis, des dossiers délicats comme ceux de la crise migratoire qui entache de jour en jour l’image de la Tunisie, mais également l’épineuse question des prisonniers politiques.
Wissal Ayadi