Tunisie/ Garderies : Une obligation pour les parents actifs, avec des risques et un budget conséquent

13-09-2022

Après les joies de la maternité durant les semaines qui suivent l’accouchement, les mamans sont souvent confrontées au stress de trouver la nounou ou la crèche idéale qui vont garder leurs bébés, pendant qu’ils reprennent le travail.

La garde des enfants pose aussi d’énormes problèmes avec le retour des enfants plus âgés à l’école.

Avec la baisse du pouvoir d’achat, la cherté de la vie et les difficultés auxquels l’on se heurte actuellement, il n’est plus évident de prendre en charge outre les frais de la scolarité, celles de la garderie…En revanche, il s’agit d’un mal nécessaire pour les parents qui doivent se séparer de leurs enfants pour aller au travail selon les horaires administratifs et avec des emplois du temps chargés…Avec des budgets restreints, certains parents confient cette mission à leurs proches. D’autres n’ayant pas de quoi payer un établissement scolaire, ils optent pour des garderies clandestines, qui représentent un réel danger pour les enfants.

Des parents ainsi qu’une directrice d’une garderie, ont accepté de partager avec nous leurs témoignages.  

Avec deux salaires de hauts cadres,  Khadija expert-comptable et Imed banquier, parents de Baya 10 ans, comptent sur l’aide de leurs beaux parents pour payer l’école. Inscrite dans une école privée de renommée à la Cité Ennasr, ses frais de scolarité se situent entre 7000 et 7500 DT l’année. Tout dépend des clubs sportifs et artistiques auxquels Baya voudrait adhérer. Quant à la garderie, elle leur coute 250 DT par mois, si les repas sont compris, 200DT/mois sans déjeuner ni gouter, et 100 DT/mois pour des demi-journées.

« C’est la garderie privée la moins chère que nous avons trouvé sur ce quartier, sachant que cet établissement propose aussi un bus scolaire qui récupère les enfants de différentes écoles. Le problème c’est que nous n’avons pas le choix, vu que mes beaux-parents plutôt âgés, sont incapables de faire des va et vient 3 fois par jour et nous payent déjà la scolarité. Du côté de mes parents, ils gardent déjà ma nièce, de 4 ans…», nous explique Khadija.

En effet, plusieurs mamans qui refusent de garder leurs enfants dans ces établissements, ont dû sacrifier leur vie professionnelle pour s’en occuper. « Le fait qu’elles passent toute la journée dehors de 8h à 19h, est inacceptable pour moi », nous explique Fatma, enseignante universitaire, et maman de deux filles, Shems 14 ans et Chirine 16 ans. Elle a évoqué les questions d’encadrement, de suivi scolaire, d’hygiène et de mal nutrition, dans les garderies.

«Avant quelques années, j’étais consultante dans une multinationale. J’étais obligée de les poser dans une garderie scolaire, mais j’ai senti que je m’éloignais de mes filles. La santé de l’ainée s’est détériorée car elle mangeait rarement ce que l’on proposait. La petite m’a parlé d’espaces sanitaires insalubres, et a fini par attraper une infection urinaire…Depuis, j’ai quitté mon travail dans le privé, pour enseigner dans une université publique. Avec ce métier, j’ai plus de temps libre pour prendre soin d’elles comme nos parents faisaient, avant l’apparition de ces endroits supposés être dédiés à l’enfance, mais qui ne font que profiter du déséquilibre qu’impose la vie professionnelle entre boulot et vie de famille… », dénonce cette jeune maman.

En effet, ce privilège n’est pas donné à tout le monde. Car pour les tranches sociales les plus fragiles, qui n’ont pas de revenus fixes, ni les moyens pour déposer leurs mômes le temps qu’ils aillent gagner leur pain, les garderies ou encore crèches clandestines sont la meilleure solution. C’est le cas de Manel, femme de ménage qui paye 20 DT la semaine, contre une demi-journée chez une femme, qui s’occupe d’une quinzaine d’enfants dans son S+2 à Cité Al Basatine (Mnihla). Cette aide-ménagère nous a indiqué qu’elle ne peut se passer de son travail, ou chômer plus qu’une journée par semaine. « Mon  mari est un travailleur journalier et est généralement sans emploi. Je compte sur moi-même pour élever mon fils de 3 ans, le nourrir et le soigner », nous confie-t-elle. « Quand on est payés à 40 DT/ Jour et qu’on travaille 4 jours par semaines dans les meilleurs des périodes, avec un loyer de 200DT, les factures d’eau et d’électricité plus la nourriture, la garderie devient un luxe…Sans oublier que les jardins d’enfants publics ne sont pas tous à proximité… », justifie Manel.

Les garderies clandestines, quels risques pour les enfants ?

Avec la crise économique qui s’accentue en Tunisie, le nombre des garderies clandestines a éclaté ces dernières années. Le ministère de la femme, de l’enfance et des séniors à recensé près de 644 espaces anarchiques non conformes aux cahiers de charges des jardins d’enfants et garderies, de novembre dernier jusqu’à ce mois de septembre. Il s’agit d’un commerce juteux qui répond à une forte demande, notamment dans les quartiers populaires, nous a confirmé Asma MJB, directrice d’une garderie à Cité Al Ghazela.

 » Ces garderies clandestines représentent un réel danger  sur la santé physique, mentale et intellectuelle des enfants. Plusieurs parents inconscients ne savent pas que ces personnes proposant ce genre de service, ne font que garder les enfants dans des pièces étroites, entassés, dans des conditions inhumaines, sans la moindre liberté de bouger, parler, ou même s’exprimer, alors que le cahier de charge des garderies exige le dialogue et l’échange avec les élèves, vu qu’ils passent la journée loin de leurs parents. Les garderies scolaires ont pour objectif de les soutenir, et de leur offrir les meilleures conditions pour réviser leurs cours, se préparer à un éventuel retour en classe, les nourrir convenablement selon les instructions d’une nutritionnistes…Il s’agit d’un endroit ou l’enfant est accueilli dans un endroit qui respecte ses besoins, où il va  apprendre à vivre en communauté, recevoir une éducation dans un milieu sécurisé. Contrairement aux garderies clandestines, qui sont souvent dirigés par des personnes hors la loi, incapables de trouver un emploi ou avec un casier judiciaire. Les enfants y sont souvent maltraités, parfois battus, et punis d’une manière anti pédagogique. Il y a aussi le risque d’accident, de chute, de viol, d’incendie, d’infection… Le risque concerne aussi les parents, qui seront incapables de les poursuivre en justice en cas de déconvenue », a averti la directrice de la garderie.

E.B