Asma Shiri préconise une loi pour sortir les femmes de ménage de la précarité

05-03-2020

« Je n’ai pas d’horaires de travail, ni de tâches fixes. Je dors sur un matelas à même le sol ». C’est un des témoignages de femmes de ménage recueillis par les chercheurs du CREDIF (Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur la femme). Ces derniers ont réalisé une étude sur le parcours, le vécu et les conditions sociales de ces travailleuses précaires. Un échantillon de 60 femmes venues du Grand Tunis, de Sousse et de Sfax ont été choisies pour l’élaboration de cette étude.

Le recours à une femme de ménage semble devenu une pratique courante dans les foyers tunisiens.

Couchantes, non couchantes, occasionnelles ou quotidiennes… nombreuses sont les familles actives à utiliser ce moyen afin de garder leur maison propre.

Moez Ben Hamida, sociologue et co-auteur de l’étude nous explique que « les entretiens avec ces femmes ont tourné autour de la perception de soi, des représentations sociales de cette profession et sur les différentes difficultés auxquelles elles font face ».

Qui sont-elles?

L’étude explique entre autre que les aides ménagères, viennent pour la plupart de milieux défavorisés de l’intérieur du pays, notamment du Nord-Ouest. « Rares sont celles qui viennent de régions côtières », affirme le sociologue.

Pour une majorité d’entre elles, elles n’ont pas pas pu terminer leurs études. A cet égard, une femme de ménage s’exprime dans un témoignage poignant relayé dans l’étude. « L’école est situé à 10km de la maison. C’était donc beaucoup trop loin pour que l’on poursuive des études. C’était plus simple d’aller travailler ». Pour les femmes de ménages dites « couchantes », elles ont pour la plupart commencé très jeune, vers l’âge de 8 ou 10 ans pour certaines.

A cet égard, de nombreuses affaires de trafic d’être humain ont été mises à jour ces dernières années. Ce secteur n’ pas mis longtemps a attirer les malfaiteurs, qui sont dans la plupart du temps dans l’entourage de la victime. Moez Ben Hamida explique que « certaines filles sont littéralement vendus par leurs proches en échange d’une somme d’argent, plus le salaire mensuel, dont la travailleuse ne voit jamais la couleur ».

Une nouvelle tendance tend à se dessiner dans le recrutement des femmes de ménage. En effet, les employeurs demandent de plus en plus des personnes instruites. Si dans le terme « femme de ménage », il y a  le mot « ménage » uniquement, aujourd’hui les prérogatives se développement vers l’aide au devoir pour les enfants et même le rôle d’hôtesse d’accueil lors de soirées « mondaines ».

Autre cause qui a poussé de nombreuses femmes à se tourner vers cette profession, le chômage et la précarité. L’étude explique que depuis la révolution, le nombre de fermeture d’usines et la baisse des revenus dans le secteur agricole ont contraint beaucoup d’anciennes ouvrières à se reconvertir dans le secteur de l’emploi à domicile.

Conditions de travail

L’étude s’est attachée à comprendre dans quelles conditions ces femmes travaillent. Elles sont pour la plupart unanimes sur la question: ce sont des conditions plus que difficiles. « Je ne sais jamais à quelle heure je vais finir ma journée de travail. Je dors sur un matelas jeté par la maîtresse de maison à même le sol en dessous d’une fenêtre. Et quand quelque chose diaprait dans la maison, c’est moi qu’on accuse en premier », témoigne une aide ménagère dont l’étude a relayé les paroles.

Les chercheurs ont, par ailleurs affirmé, que 40.000 femmes de ménage disent être victimes de violences en tout genre…qu’elles soient sociales, verbales ou encore plus grave, sexuelles.

Le principal problème pour ces femmes, c’est qu’elles n’ont aucun statut social ou juridique qui leur permet de se protéger.

L’étude a proposé les recommandations suivantes :

– Réglementer le travail des femmes de ménage

– Leur donner accès à une protection sociale

– Sensibiliser ces femmes à leurs droits en créant un syndicat

Une loi est en cours de préparation

Pour sa première visite de terrain, Asma Shiri, ministre de la Femme, de la Famille, de l’enfance et des séniors, a assisté à la présentation de l’étude du CREDIF, ce jeudi à Tunis, organisé à la veille de  la célébration de la journée internationale du droit des femmes.

Dans un entretien accordé à GnetNews, elle indique dans un premier temps que « ces femmes rendent des services très importants aux Tunisiens. Ce travail est un travail comme un autre. Il assure une stabilité au sein de foyers et permet aux femmes de pouvoir se consacrer à leur vie professionnelle et familiale et pour la femme de ménage, cela lui assure un revenu ».

La ministre a également annoncé que « la Tunisie a prévu l’adoption et la ratification de la convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail qui concerne le travail des femmes au sein des foyers ». Avant d’ajouter que « comme les conventions priment par rapport à la loi nationale, la Tunisie sera obligée de réviser les textes au niveau national ». En effet, Asma Shiri a avoué qu’il y avait « un vide juridique » sur cette question.

Concernant le contenu de cette loi, la ministre affirme qu’elle prendra en considération, la couverture sociale, le salaire minimum et la protection contre toute sorte d’agression. « Nous voulons que ce sujet soit vite pris en main par les parlementaires. Il y aura un travail de sensibilisation auprès des députés pour l’adoption rapide de cette loi », insiste la ministre.

Wissal Ayadi