Tunisie : Les pluies arrivent enfin, quel impact sur l’agriculture et les barrages ?

08-02-2023

Souvenez-vous, il y a encore un peu plus d’un mois, les températures ont atteint les 26 degrés dans certaines régions de Tunisie et ce en plein hiver. Aucune goutte de pluie n’était tombée pendant plusieurs mois, contraignant les agriculteurs a reporter la période de semi en espérant le signe d’une bénédiction divine.

C’est finalement en ce début de mois de février que la délivrance est arrivée. Une véritable bouffée d’oxygène pour le secteur agricole mais aussi pour le taux de remplissage des barrages qui ont atteint des niveaux de sécheresse record.

Ainsi, les pluies intenses de ces derniers jours ont permis de casser le tourbillon infernal de la sécheresse, laissant les barrages très peu remplis, voire à sec et des agriculteurs dans l’incertitude d’une saison réussie ou du moins sauvée.

Les fortes précipitations ont principalement touché les régions du nord et du Cap-Bon, avec un record pour Hammamet où il est tombé 74 millimètres de pluie en 24 heures.

Ces pluies sont-elles tardives ? Permettront-elles de sauver la saison, et de combler un tant soit peu le déficit pluviométrique? A quelles cultures vont-elles profiter le plus?

Il vaut mieux tard que jamais… mais le retard sera difficile à combler

« Toutes les pluies sont bénéfiques et on ne peut que remercier le bon Dieu… il vaut mieux tard que jamais », nous dit Abdallah Rebhi,  Ancien Secrétaire d’Etat chargé des ressources hydrauliques et de la pêche et expert en ressources en eau.

Pour autant ce dernier indique qu’il faut attendre de voir les prochaines journées pour évaluer le véritable impact de ces pluies. « Malheureusement dans les régions du nord-ouest, fief des barrages,  les quantités sont négligeables et ne peuvent donc pas générer un ruissellement afin d’avoir une augmentation du volume d’eau dans les barrages. Mais les impacts seront très bénéfiques et précieux  sur les grandes cultures, les cultures maraichères et les oliveraies », ajoute Rabhi.

L’Observatoire national de l’agriculture, Onagri, a récemment indiqué que les collectes totales des barrages au 24 janvier 2023 s’élevaient à environ 172,2 millions de mètres cubes, enregistrant une baisse significative par rapport à la moyenne de de la période qui est de 825,8 millions de mètres cubes et par rapport à la même période de l’année précédente ayant enregistré une réserve de 781,6 millions de mètres cubes. Les réserves totales des barrages ont atteint 671,4 millions de mètres cubes contre 1142,1 millions de mètres cubes au cours de la même période en 2022.

Le taux de remplissage des barrages a été estimé à 28,9%. Ainsi le retard semble être difficile à rattraper…

Grandes-cultures: Il ne faut pas s’attendre à une saison exceptionnelle

Du côté des agriculteurs, ces pluies ont un peu sauvé la saison. Pour nous en parler, nous avons contacté Imed Ouadhour, président de la section régionale de Bizrerte du Syndicat des agriculteurs tunisiens SYNAGRI.

Il y a quelques semaines justement, Gnetnews était allé à sa rencontre, sur ses terres à Bizerte, où le manque de pluie avait affecté le développement normal de ses champs de céréales. « On peut dire qu’à Bizerte, les dernières pluies nous ont sauvé de la catastrophe. Mais la pluie ne sert pas à grand chose sans les engrais. Nous manquons encore aujourd’hui d’ammonitrate. Nous n’en trouvons pas à un moment où nous en avons le plus besoin pour assurer un rendement optimal. Et c’est la même chose pour toutes les cultures, qu’elle soient céréalières, maraichères… », nous confie-t-il.

Par ailleurs, il indique que la pluviométrie qui a touché la région de Bizerte a permis aux agriculteurs de ne pas avoir recours à l’irrigation par des puits de surface ou des sondages et ce durant les trois dernières semaines.

Imed Ouadhour ajoute, par ailleurs, que la situation n’est pas aussi rose pour d’autres régions comme Zaghouan, une partie du gouvernorat de Béja et Siliana. « Que ce soit pour la culture céréalière ou le fourrage, seules les régions du Nord pourront atteindre une récolte plus ou moins correcte », a-t-il souligné. Il affirme également que les barrages situés au Nord du pays ont atteint un taux de remplissage de 31%, en espérant que les pluies continuent de tomber pendant plusieurs semaines.

« Vu que seuls les gouvernorat de Béja et de Bizerte ont un rendement céréalier et fourrager digne de ce nom, il faudra s’attendre à une récolte en baisse, notamment pour le fourrage qui sert à l’alimentation animale », a-t-il conclu.

Wissal Ayadi