Ramadan en Tunisie : Quand la crise réinvente la célébration (Edito)

06-03-2025

Au cœur de la Tunisie, ce Ramadan s’annonce différent des précédents. Alors que ce mois sacré est habituellement synonyme de liesse, de rassemblements conviviaux et de générosité, l’atmosphère semble cette année bien plus feutrée. Déjà une semaine après le début du jeûne, l’effervescence fait place à une certaine mélancolie, reflet d’un contexte économique éprouvant.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, sur un mois (février) les produits alimentaires – véritable pilier de la célébration du Ramadan – affichent une hausse de 0,5 %, avec des augmentations notables pour la viande d’agneau (+2,7 %), les légumes frais (+1,5 %) et les fruits frais (+1,4 %). Seuls quelques produits, comme les huiles alimentaires (-2,1 %) et la volaille (-1,6 %), offrent un semblant de répit dans un contexte où la cherté de la vie pèse lourdement sur les ménages. Parallèlement à cette inflation partielle, la Tunisie fait face à des pénuries récurrentes : café, sucre, riz, semoule, farine…

Par ailleurs, autrefois, ces difficultés se conjuguaient à une solidarité intense, avec des collectes de dons organisées devant les supermarchés et une mobilisation générale des associations. Aujourd’hui, ces scènes se font plus rares. Les associations, qui appelaient jadis à une générosité sans faille, déplorent une baisse inexorable des dons, conséquence directe d’un pouvoir d’achat en berne et d’une résignation face à la dure réalité économique.

Même sur les réseaux sociaux, les initiatives d’ « Iftar » en faveur des plus démunis se font rares. Ce silence traduit l’incapacité, pour de nombreux Tunisiens, de conjurer la montée des prix et de maintenir le même niveau de solidarité que par le passé.

Pourtant, derrière ce voile d’inquiétude se cache une leçon essentielle du Ramadan. Ce mois saint nous invite à la réflexion, à la modération et à la remise en question de notre rapport à la consommation. Dans un monde en proie à la frénésie d’achats et à l’excès, la crise actuelle offre une opportunité de redécouvrir la valeur de la simplicité et de la nourriture spirituelle. Réduire ses besoins et privilégier l’essentiel peut se révéler être un puissant acte de résistance contre la surconsommation.

Ainsi, ce Ramadan, malgré les difficultés, pourrait se transformer en une célébration authentique du partage et de la sobriété. La crise, en mettant à nu les failles d’un système consumériste, pourrait bien être le catalyseur d’un renouveau où les valeurs d’entraide, de solidarité et de réflexion priment sur l’excès. Dans ce contexte, le mois sacré nous rappelle que la véritable richesse ne se mesure pas en biens matériels, mais en la qualité des liens humains et en la capacité à vivre simplement.

Wissal Ayadi