Tunisie/ Formation professionnelle : Pâtisserie, hôtellerie, commerce…autant de spécialités pour une intégration rapide sur le marché du travail

22-09-2022

Chaque année, 30 000 élèves sont diplômés des centres de formation professionnels, dont 72% sont employés durant les 3 ans qui suivent, d’après les derniers chiffres publiés par l’INS. Avec un CAP, BTP, et BTS dans la main, ces certificats de compétences permettent une employabilité plus importante, comparée aux diplômés de l’enseignement supérieur dont  14% seulement réussissent à trouver un travail dans les 3 années qui suivent.

Pourtant, les mentalités de nos sociétés sous estiment ces formations et considèrent qu’elles représentent la voie empruntée par les personnes ayant raté leur scolarité, ou encore celles qui ont des capacités intellectuelles limitées…Cependant, avec près de 109 000 abandons scolaires chaque année, et un taux de chômage de 18.4%, la formation professionnelle représente le meilleur tremplin pour les jeunes non diplômés, qui veulent assurer dignement leur avenir.

Plusieurs spécialités demandées par le marché du travail national et international sont proposés dans les 400 centres de formation professionnels tunisiens (CFPT) privés et publics. Construction, textile, couture, menuiserie, soudure, électronique, maintenance, cuisine, pâtisserie, bureautique, infographie, et autres spécialités sont de plus en plus sollicitées par les élèves. Le seul obstacle, c’est qu’après avoir réussi ces formations, ses stages, ces jeunes sont confrontés aux jugements de la société, et des recruteurs également. Reportage.

Les préjugés de la société

C’est le cas de Amine 26 ans, il a obtenu son BTS en informatique l’année dernière, mais a trouvé du mal à décrocher un poste dans une entreprise. « Dès qu’il y a un candidat avec un diplôme universitaire, je suis sanctionné car ils préfèrent les personnes avec un bac. Même si nous avons les mêmes compétences, la priorité pour plusieurs sociétés, et aux études supérieures…ça fait aussi partie des préjugés, qui estiment que les diplômés des CFPT, sont moins aptes à s’intégrer en entreprise… ».

Pourtant, plusieurs personnes ont choisi cette vocation non pas par contrainte ou par manque de choix, mais après des études scolaires entamées et un bac dans la poche. « Tout comme les étudiants de l’enseignement supérieur, nous avons droit à un crédit BTS, mais en plus avec des facilités, comme l’absence d’un autofinancement ou l’obligation d’avoir un fond propre », ajoute Amine qui regrette de n’a pas avoir choisi une spécialité lui permettant de lancer son propre projet.

C’est ce qu’a fait Samia, 32 ans, qui a opté pour une formation en textile. Son rêve était d’ouvrir son propre atelier de couture et d’intégrer l’univers de la mode. Une fois diplômée d’un CFPT à Ezzouhour, elle a lancé son projet de couture, dans son domicile et travaille en ligne également. « Mes parents s’attendaient à ce que je sois recrutée dans une usine de textile en tant que chef d’atelier, ou encore en tant que styliste. Ils s’attendaient à ce que ma situation s’améliore du jour au lendemain par un simple certificat de compétence, à ce que je devienne salariée également. Mais rien de tout ça n’est arrivé…Pour eux, j’ai encore une fois raté ma vocation après que j’ai quitté l’école à 16 ans, sans aucune raison plausible… ».

Le centre ou la rue

En effet, le côté renseignement, encadrement et motivation, est très valorisé dans ces établissements de formation professionnelle étatiques ou privés. D’après Ahmed, un ancien élève du centre public de formation et d’apprentissage à Oued Gueriana (Manouba), qui travaille pour son propre compte en tant qu’électricien, l’encadrement était pour lui, un élément crucial qui l’a aidé à dépasser son manque de confiance en soi, lorsqu’il a quitté le collège. « A l’âge de 16 ans, et après le divorce de mes parents, j’ai été renvoyé du collège car j’ai redoublé 3 fois. C’était soit le centre soit la rue. Mon père m’a conseillé d’opter pour une formation artisanale ou technique vu que je n’avais pas le niveau requis. Je n’avais même pas une passion, rien ne m’intéressait et j’étais un enfant rebelle. J’ai demandé au chargé de l’orientation de m’introduire dans n’importe quelle formation pour me sauver…Mais ce dernier a tenu à me laisser réfléchir pendant une semaine au choix de la spécialité, avant que je m’embarque dans des études qui ne m’intéressaient pas….Pour lui, ces centres de formation professionnelle redonnent de la dignité aux élèves, et leur offrent une seconde chance pour réussir leurs vies. Et c’est ce qui est de plus important », souligne cet ancien étudiant en électricité.

Issu d’une famille modeste, Ahmed a opté pour ce centre étatique avec des frais symboliques d’inscription. 20 DT l’année pour l’école, 10 DT pour le logement dans un foyer étatique, 0.300 DT par jour pour les repas quotidiens au restaurant annexé. Au bout de deux ans, il a eu son diplôme en électricité. « Ceci dit que ce n’est pas parce que j’ai réussi, que tous mes camarades l’ont fait aussi. Nous étions la plupart des délinquants, des jeunes qui ne rêvons que de quitter le pays clandestinement, désespérés et égarés. Pour résister à ce genre de milieux, il faut beaucoup de concentration et de volonté », recommande-t-il.

Les centres de formation privés entre arnaques et fausses promesses

Nous avons contacté un autre institut, reconnu par l’état, de renommée située à la zone d’El Menzeh. Contre 350 à 380 DT le mois, avec des frais d’inscription de 330 DT et 150 DT supplémentaire pour les tenues, l’élève a le choix entre un BTS ou un BTP en cuisine, pâtisserie, hôtellerie, et gestion, et commerce. Nous avons contacté la chargée de la formation dans cet établissement, qui nous a expliqué qu’avec ces prix raisonnables, les élèves ont accès à 2 ans de formation, dont 9 mois de stage et de pratique. Ils sont des non diplômés et des professionnels qui voudraient assurer leur avenir grâce à des métiers prometteurs, ou encore ils veulent compléter leurs formations initiales en réseaux informatique, marketing, gestion…Les enseignants sont aussi des universitaires expérimentés.

L’administration ainsi que le personnel, sont à l’écoute des étudiants, et n’hésitent pas à les renseigner, les orienter et les soutenir. Et c’est ce qui fait la différence entre une école publique et privée », souligne la responsable.

 Avec des prix raisonnables comparés aux universités privées, les professionnelles, les diplômés au chômage, et les personnes souhaitant faire une reconversion professionnelle, optent pour ces établissements…Reportage.

Après 3 ans de pratique, Sirine, technicienne supérieure en anesthésie a choisi de suivre sa passion pour l’esthétique, spécialité onglerie. Mais vu que cette formation n’est disponible que dans les écoles privées, elle a eu du mal à choisir un établissement, qui offrira un rapport qualité qui correspond à son petit budget, et avec une formation efficace.

« J’ai trouvé des formations de 3 jours à 700 DT, des cycles courts de 9 mois à 2000 DT, sans compter le cout du matériel et des produits, qui sont exigés par certains instituts. En effet, le nombre des centres de formation s’est multiplié, et tous les propriétaires se disent les meilleurs…Alors qu’en réalité, il existe beaucoup d’arnaque et d’escroquerie ».

En appelant la directrice d’un centre de formation spécialisé en onglerie installé à l’Aouina, la conseillère nous a dévoilé les prix des différentes sessions : pour devenir prothésiste ongulaire, il suffit d’assister à des cours qui s’étalent sur 15 à 20 jours. Le tout à 700 DT hors promotion et 630 DT avec un rabais. Pour des cours artistiques, la dame nous a parlé d’une vingtaine de jours à un mois, à 900 DT. Et pour une formation premium en catégorie mastère, il faut préparer 1450 DT, contre un mois d’apprentissage.

Des durées très courtes susceptibles de changer l’avenir professionnel des élèves, a  déduit notre interlocutrice, en justifiant que ce type de métier est très sollicité par la gent féminine. « Les clients des salons de coiffure ne ratent pas une séance de manucure permanent. C’est devenu comme faire un brushing, une chose obligatoire pour une apparence soignée…D’où l’impossibilité de chômer », nous rassure-t-elle. Quant à la valeur du diplôme, elle a souligné que les élèves obtiennent un certificat homologué,  reconnu par le marché local et international…

Des promesses attractives, mais parfois mensongères, nous a confirmé Sirine, l’anesthésiste qui a opté pour une école professionnelle, reconnue au niveau internationale, durant deux ans, cours, stages, et pratique…

E.B