Tunisie : Le covoiturage, une pratique avantageuse qui a de plus en plus d’adeptes !

09-01-2023

Apparu en Tunisie, il y a une dizaine d’années, le covoiturage semble s’être installé dans les habitudes de nombreux Tunisiens, qu’ils soient étudiants ou salariés.

Cette pratique dispose de nombreux avantages aussi bien pour les conducteurs que les passagers au vu de la crise économique qui touche le pouvoir d’achat, mais aussi de la hausse des prix du carburant, des voitures et de la vétusté des transports publics.

Comment fonctionne le covoiturage en Tunisie ? Quels sont les avantages pour les usagers ? Le covoiturage est-il vraiment légal. Des questions auxquelles nous avons tenté de répondre à travers des témoignages de « covoitureurs », mais aussi de l’un des fondateurs de l’application mobile 100% tunisienne, SPLIT,  Alaaeddine Jrad.

Qu’est ce que le covoiturage?

Le covoiturage est l’utilisation conjointe et organisée (à la différence de l’auto-stop) d’une voiture automobile, par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet commun.

Il procure des avantages individuels, à savoir le partage des dépenses de carburant et de maintenance et le développement du lien social. Il dispose également d’avantages collectifs puisqu’il permet d’augmenter le taux de remplissage des véhicules, de diminuer les embouteillages et la pollution.

Témoignages

Ainsi, depuis une dizaine d’année cette pratique connait de plus en plus de succès chez les Tunisiens. C’est le cas de Ali, salarié dans une entreprise à Tunis et origninaire de la ville de Monastir, il pratique le covoiturage depuis maintenant 3 ans.

« Avant je prenais le louage. Mais le covoiturage est beaucoup plus confortable, plus rapide et pratique puisque on nous dépose là où nous voulons,  ou du moins au plus près », nous dit-il.

De plus le jeune homme affirme également commencer sereinement sa journée de travail puisqu’il n’aura pas été confronté à la cohue des transports publics ou des louages, préférant largement la convivialité que lui offre le covoiturage.

« Ce qui est super c’est que l’on paye moins cher et on a un meilleur confort. Par exemple pour un trajet en transport classique, le louage me coûtera 13DT de Monastir à Tunis, puis rajouter 8DT de taxi pour arriver jusqu’à mon lieu de travail à l’Aouina. Un trajet qui me reviendrai donc à 21DT, soit le double qu’en covoiturage », relève Ali.

Idem pour Sarah, une jeune salariée qui doit faire la navette tous les week-end entre Nabeul et Tunis. « Si parfois mon père peut m’emmener de Nabeul à Tunis alors je poste une annonce pour prendre des passagers. Mais quand je dois rentrer à Nabeul, je fais une annonce pour avoir une place dans un covoiturage », explique Sarah.

Le trajet lui coutait 5DT avant l’augmentation du carburant, maintenant elle paye 6DT, ce qui reste toujours plus intéressant que de prendre le bus, jusqu’à la gare de Beb Alioua et espérer trouver un taxi jusqu’à son lieu de travail. « Comme je travaille dans une zone ou il y a beaucoup d’entreprises il est facile de trouver des conducteurs qui s’y rendent eux aussi », nous dit-elle.

Mohamed, dispose de sa propre voiture. Habitant à l’Ariana, il doit se rendre tous les jours dans la banlieue nord de Tunis pour son travail. Il a vite compris que le covoiturage pourrait être une solution pour faire baisser ses frais d’essence. Ainsi, tous les jours, il récupère un groupe de passagers à plusieurs points sur son chemin. « Je demande 2DT pour le trajet. En plus cela permet de faire de nouvelles rencontres sympathiques et de faire passer un peu le temps des embouteillages », nous a-t-il confié.

Applications mobiles ou réseaux sociaux: le 2.0 au service du covoiturage

En Tunisie la majorité des usagers du covoiturage, qu’ils soient passagers ou usagers, trouvent leurs trajets sur les nombreux groupes crées sur les réseaux sociaux et notamment Facebook.

On peut ainsi trouver des groupes dédiés à des trajets bien précis, tels que Tunis-Nabeul, Tunis-Sousse, Tunis-Bizerte par exemple.

Et depuis quelques années, des plateformes internet, sous forme d’applications mobiles, voient également le jour en Tunisie. Comme l’une des plus connues en Tunisie baptisée « SPLIT » (partage en anglais). Alaaeddine Jrad en est le CEO. Dans une interview accordée à Gnetnews, il explique l’idée de cette plateforme leur est venue après une grève des transports en février 2019. « Les cours avaient été suspendus pendant 4 jours. Alors avec des amis nous nous sommes lancés dans cette application afin d’aider les étudiants à trouver un transport alternatif peu coûteux, et de réduire cette dépendance au transports publics », nous dit-il.

L’application a été officiellement lancée en octobre 2021 et réunit aujourd’hui près de 75.000 utilisateurs et permet la réalisation de 800 trajets par semaine.

« Nous travaillons à 85% sur des trajets courts et récurrents et le reste concerne des longs trajets. Le prix moyen d’un trajet se situe aux alentours de 2DT. Par exemple, un trajet allant du Mourouje au Lac va couter 2DT au passager alors qu’en taxi il en couterai10DT, sachant que le réseau de transport public reliant ces deux points est très faible ».

Le covoiturage est interdit par la loi en Tunisie…

En Tunisie,  le covoiturage payant est officiellement assimilé à du transport clandestin de personne et est strictement interdit. Seul le covoiturage  gratuit est autorisé (loi n° 2004-33 du 19 avril 2004 portant sur l’organisation des transports terrestres). Pour rappel, en 2019, le directeur général du transport terrestre, Habib Ammar, avait indiqué, que les personnes qui recourent au covoiturage pouvaient encourir une amende de 700 dinars pour activité illégale.

Pour autant il subsiste un certain flou juridique autour de la question du covoiturage.

Pour la création de la plateforme SPLIT, les fondateurs ont du se soumettre à trois conditions pour ne pas tomber dans l’illégalité. Alaaedine Jrad nous explique.

« D’abord, le conducteur ne doit pas générer de bénéfices mais uniquement couvrir ses charges. Ainsi, les prix proposés aux passagers sont déterminés par un algorithme qui prend en compte le kilométrage et le modèle de la voiture. Par ailleurs, le conducteur ne doit pas faire de détour pour récupérer un passager mais doit se conformer aux points de récolte imposés par l’application et qui se trouvent sur son chemin. Et enfin le conducteur ne peut pas faire la promotion de ses places. C’est le passager uniquement qui envoie la demande via la plateforme. Il peut accepter comme refuser le passager en question».

D’après Alaaedine Jrad, une future loi régissant le covoiturage sera très difficile à faire appliquer étant donné l’importance du secteur du transport individuel, type taxis ou louage, qui fera tout pour que cette loi ne soit pas créée.

Par ailleurs, le co-fondateur de SPLIT déplore l’archaïsme des lois, le manque de volonté politique et l’abandon des politiques de transports en Tunisie. « Les transports sont un des points noirs des politiques publiques alors qu’ils sont un des organes les plus important dans le fonctionnement de l’économie du pays « , nous dit-il.

En somme le covoiturage dispose de bien plus d’avantages que d’inconvénients, méritant la mise en place d’un cadre réglementaire. Il ne vient en aucun cas concurrencer les autres formes de transport individuel ou collectif, mais s’impose plutôt comme un complément. A un moment où la Tunisie traverse une crise économique, sociale, énergétique, mais aussi climatique sans précédent, cette pratique pourrait devenir une véritable opportunité pour améliorer la qualité de vie et répondre aux enjeux de la mobilité en Tunisie.

Wissal Ayadi