Reportage dans un marché de la banlieue de Tunis au 2ème jour du Ramadan

12-03-2024

Ce mardi 12 mars marque le deuxième jour du mois saint de ramadan. Le gros des courses a déjà été fait durant le week-end. Pour le reste (fruits, légumes, etc…), les marchés ont débuté leur saison ramadanesque aujourd’hui.

Il est bien connu que les premiers jours, les prix ont tendance à augmenter…l’occasion pour nous d’aller vérifier. Gnetnews s’est donc rendu dans un marché de la banlieue de Tunis.

Il est à peine 9h du matin et les allées du marché ne sont pas très remplies de clients. Même les marchands n’étaient pas aussi nombreux que d’habitude. Le temps sans doute pour eux de se faire au rythme du ramadan, où les longues soirées rendent les réveils difficiles.

Première surprise, rare sont les marchands à avoir apposer les affichettes des prix malgré l’obligation légale. « Nous ne voulons pas faire fuir les clients », nous dit un commerçant.

En ce qui concerne les prix, nous avons interrogé les quelques clients venus acheter les produits qui leur seront nécessaires à la préparation de l’Iftar.

« Comme d’habitude, les prix ont augmenté, c’est vraiment affligeant », déplore une passante. Elle explique que durant le week-end, elle a acheté la botte de persil à 500 millimes et aujourd’hui elle est proposée à 800 millimes. En demandant des explications au vendeur, il n’a pas voulu répondre. « C’est le prix que cela vous plaise ou non ! », nous-a-t-il rétorqué d’un ton très sec.

La dame nous rattrape et nous indique qu’elle a acheté les tomates à 2.5DT le samedi précédent le ramadan et qu’aujourd’hui elle les a retrouvés chez le même primeur à 3.5DT, soit 1DT de plus.

Les pommes de terre ont aussi subi une hausse puisqu’elles sont passées de 1.3DT à 1.7DT en l’espace de 2 jours. Les artichauts sont affichés à 2DT la botte (3pièces), les épinards en pousse à 3DT, les piments à 5DT, la laitue à 1.2DT et la romaine à 1.4DT.

« On sent vraiment que c’est la crise. Les gens n’achètent plus au kilo mais à la pièce», nous confie un primeur.

En ce qui concerne les fruits, pas de changements significatifs des prix. Les oranges à jus sont vendues à 1.2DT avec une promotion à 3DT pour trois kilos et les pommes vont de 3DT à 6DT pour les qualités supérieures. Au niveau d’un vendeur de légumes nous surprenons une conversation sur les fameuses bananes à 5DT promises par le gouvernement. « Il n’y en aura pas sur les marchés, il faut aller au supermarché. Et celui qui est loin du supermarché n’en mangera pas. C’est vraiment n’importe quoi ! », scande un commerçant. 

En effet, à compter de ce jeudi 14 mars 2024, des bananes importées d’Égypte seront disponibles dans les grandes surfaces au prix de 5DT le kilo, selon l’annonce faite récemment par Ramzi Trabelsi, directeur de l’Observatoire national de l’offre et des prix, en collaboration avec le ministère du Commerce et de la promotion des exportations. Il a souligné que 2000 tonnes de bananes « égyptiennes » ont déjà été livrées en Tunisie. Trabelsi a également précisé que des mesures ont été prises en coordination avec les grandes surfaces pour assurer la mise en vente des bananes trois fois par jour.

La commercialisation de ces bananes s’inscrit dans le cadre d’une batterie de mesures décidées pour réguler l’approvisionnement et les prix, et diversifier l’offre des fruits et légumes pendant le Ramadan, a indiqué le ministère du Commerce dans un communiqué, précisant que la distribution va concerner, dans un premier temps, les grandes et moyennes surfaces, ainsi que les points de vente du producteur au consommateur, dans différents gouvernorats

Souvenez-vous, lors du Ramadan 2023, cette opération avait déjà été mise en place, donnant lieu à des scènes de cohue et des queues immenses, pour qui plus est, une qualité moyenne.

Les seules bananes que nous avons trouvé dans tout le marché sont affichées à 16DT le kilo…

La viande est trop chère…

Aux abords du marché, les bouchers et volaillers n’ont pas beaucoup de succès. « Cela fait plusieurs années que nous ne vendons plus comme d’habitude. Les clients nous critiquent sans cesse en disant que la viande est trop chère. Mais je les invite à aller voir les éleveurs et leurs coûts de production qui ont doublé », nous confie un boucher. Ce dernier propose la viande de veau à 41DT et l’agneau à 45DT. Il constate par ailleurs une augmentation croissante de demandes pour de petites quantités de viande hachée, parfois 2DT, soit moins de 100gr. Malgré sa propre fatigue face à la situation, il ne peut pas refuser ces demandes, car selon lui les gens sont épuisés face à la situation.

Ces deux dernières années, la Tunisie a été confrontée à une inflation élevée, avec une moyenne annuelle de 10%, ce qui a entraîné une augmentation considérable des prix alimentaires, parfois triplés. La croissance économique, qui avait commencé à redémarrer après la pandémie de Covid-19, a été entravée l’année dernière, se situant à seulement 0,4%, en raison d’une sécheresse sévère ayant causé des dommages significatifs aux récoltes. La détérioration économique s’est intensifiée, conduisant le pays à entrer en récession fin 2023. Parallèlement, le chômage a connu une hausse notable, passant de 15,2% à 16,4% en un an.

Ces difficultés économiques ont un impact direct sur la population, qui ressent particulièrement les effets de la crise, surtout pendant le mois de Ramadan, période traditionnellement marquée par la solidarité et les célébrations.

Wissal Ayadi