Tunisie/ 14 Janvier : Fête et défaite d’une révolution trahie !

14-01-2022
La révolution tunisienne, un certain 14 janvier 2011

Vendredi 14 janvier 2011 – vendredi 14 janvier 2022. Onze ans jour pour jour se sont écoulés depuis la révolution tunisienne, la chute de l’ancien régime, et le départ de l’ex et défunt président en Arabie saoudite. Un jour mémorable qui a changé le destin de la Tunisie, mais pas seulement, c’est qu’il a façonné le visage de toute une région assoiffée de démocratie, de liberté, de justice et de dignité.

Mais que reste-t-il de la révolution onze ans après ? Pas grand-chose, un leurre, en fait. Avec un peule désabusé, un tissu social délité, une classe politique déchirée et un pays en quasi-faillite.

Où est-on de l’idéal révolutionnaire ?

Indépendamment des divergences autour des dates, contentons nous de souligner que toute révolution est un processus et celle tunisienne a couvé pour donner lieu à un enclenchement le 17 décembre et un aboutissement le 14 janvier ;  la question est où est-on de l’idéal révolutionnaire ?

Celui qui n’a eu de cesse de s’étioler au fil des années, laissant la place à une grande désillusion. Que d’eau a coulé sous les ponts pendant ces dernières années, comme le dit la formule consacrée.

Cette Tunisie post-révolutionnaire qu’on a tant adulée, tant regardée avec admiration, tant essayé de tenir par la main pour mener à bien son processus démocratique a été victime de démons multiples endogènes et exogènes, ayant tout simplement capoté sa transition politique et économique, pris pour cible son modèle social, et brisé son aspiration à des lendemains meilleurs. Ces démons sont ceux de l’insécurité, du terrorisme et du crime organisé en premier, mais ce n’est pas tout, c’est aussi la généralisation du fléau de la corruption ayant gangréné ce corps tunisien si fragile. C’est, de surcroît, la montée des égoïsmes, la dégradation de l’autorité de l’Etat et son prestige, l’attitude désinvolte envers un droit bafoué et une loi inappliquée.

Ni la démocratie qui a fait ses premières marches, en trébuchant au milieu d’un chemin sinueux et émaillé de soubresauts, ni la liberté qui a viré à la cacophonie, et au délire, avec le tout et n’importe quoi étalé sur la place publique, n’ont pu arrêter ce mouvement débridé vers l’autodestruction.

Points sombres et d’autres lumineux

C’est là, hélas le constat, la Tunisie est un pays qui n’a fait que s’autodétruire pendant plus d’une décennie. Les points sombres – instabilité politique, polarisation, dégradation socio-économique, mauvaise gouvernance, précarisation, paupérisation, insécurité, désamour, rancœur…et la liste est encore longue, ont supplanté les points lumineux qui sont démocratisation, pluralité, liberté, et débat contradictoire.

Le pays est aujourd’hui perdu, en mal de repères, et ignore de quoi demain sera fait. Une mobilisation générale est organisée, en ce jour anniversaire, pour défendre la démocratie, la liberté et dire non au pouvoir personnel, à la monopolisation des pouvoirs, et à l’étouffement des voix discordantes.

Un pouvoir qui défend mordicus sa démarche et ses mesures prises le 25 juillet et le 22 septembre, rendues nécessaires comme ne cesse de le réitérer le président de la république, par une situation qui s’est envenimée ayant nécessité des dispositions radicales marquant une rupture. Un président qui se défend d’avoir attenté aux droits et libertés dont le chapitre de la Constitution n’a pas été suspendu, comme le sont ceux des pouvoirs exécutif, et législatif supplantés, en cette période exceptionnelle, par le décret n’o 117.

Une Tunisie plurielle : Une bénédiction, et non une malédiction !

Pas plus que pendant les successifs épisodes cruciaux ayant marqué ce jeune et vulnérable cheminement démocratique, l’on est  aujourd’hui face à plusieurs Tunisie, non à une seule…La différence est une bénédiction, dirions-nous. Cela devrait être vraiment le cas, pour peu qu’elle soit bien considérée.

Que diversité et pluralité soient valorisées et appréhendées en tant qu’un facteur de richesse, d’enrichissement mutuel et d’apports multiples. Tout le contraire de ce qui se passe aujourd’hui, dans ce petit pays de l’Afrique septentrionale qui a tant déçu à l’intérieur et à l’extérieur.

Et la voie de salut ? Elle consiste, sans aucun doute, à conjurer les démons du monolithisme, du nihilisme, de l’exclusion  et de privilégier l’apaisement, le respect de la différence et le dialogue.

La Tunisie a plus que jamais besoin de sagesse, d’empathie et d’un esprit transcendant, à même préserver l’essentiel, soit sauver l’Etat de l’effondrement, et la société d’une plus grande déliquescence.

Aujourd’hui, personne n’a raison, et personne n’a tort. Personne n’incarne le bien absolu, ou le mal absolu. Personne ne détient la vérité intégrale ou la pierre philosophale. Chacun devra pouvoir apporter sa pierre à l’édifice. Le Collectif doit primer sur toute démarche esseulée et toute monopolisation…avec un attachement indéfectible à faire respecter les règles de droit, et les principes républicains. Et n’oublions, surtout pas, que nous sommes tous mortes, seul le souvenir nous sera postérieur, tâchons qu’il soit bon.

H.J.