Tunisie/ Mechichi à Abassi : « ça ne sert rien de maîtriser l’inflation, si le peuple a faim ! »

03-11-2020

Le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a annoncé ce mardi 03 novembre que son gouvernement s’apprête à présenter de nouveau la loi de finances complémentaire de 2020 à la commission des Finances de l’ARP, moyennant des petites rectifications, étant donné que la marge de manœuvre est limitée, prévoyant une baisse du déficit de 2 points, et appelant la banque centrale à jouer un rôle positif pour financer le budget. Cela ne sert à rien d’avoir une inflation maîtrisée, si le peuple a faim, a-t-il dit.

Lors d’une conférence presse ce soir, où il est revenu longuement sur la dernière controverse autour du financement du budget de l’Etat, suite au refus de la banque centrale de cautionner et de financer le PLF rectificatif de 2020, via les banques locales, le locataire de la Kasbah a fait état d’une situation économique très difficile. « La Tunisie vit une crise économique et sociale jamais connue qui est une conséquence d’une accumulation de plusieurs années, indépendamment des retombées de la pandémie du Covid-19 ».

Il a déploré que le pays n’ait pas parvenu depuis 2011 à concevoir un modèle économique permettant de surmonter les difficultés et de redonner l’espoir aux Tunisiens pour des lendemains meilleurs, d’où des problèmes comme la migration clandestine, le chômage, etc.

Le coronavirus a approfondi la crise, avec l’arrêt de l’économie en mars et avril du fait du confinement, ayant impacté profondément l’économie tunisienne et sa capacité de reprise.  Les retombées de la crise sanitaire vont perdurer encore pour deux années, a-t-il pronostiqué.

Mechichi a affirmé que son gouvernement était en train de réfléchir aux solutions pour sortir de cette crise, la priorité est d’arrêter l’hémorragie. « On ne peut parler de grandes réformes et de grands projets sans arrêter les comptes ».

Le gouvernement a hérité d’un legs lourd, et devrait préparer le budget dans ce contexte difficile. Il a opté en matière de préparation du PLF complémentaire de l’année 2020, pour la transparence et la vérité des chiffres, pour rétablir la confiance, a-t-il indiqué, signalant que le déficit budgétaire de 14 % contenu dans ce budget découle d’une accumulation de plusieurs années, la crise du Covid n’en est responsable qu’en petite proportion.

Mechichi a comparé le débat suscité par la présentation du PLF complémentaire de 2020, à « un homme qui regarde dans le miroir, qui n’a pas aimé son image et a fini par casser le miroir ».

« Le PLFC a été présenté normalement comme il a fallu qu’il le soit, et comme il aurait dû l’être depuis toujours », a-t-il dit en substance », martelant l’attachement de son gouvernement à la transparence et à la franchise sur les chiffres, et sur l’état des comptes de la nation.

Mechichi a renvoyé la balle dans le camp de la BCT, qui était informée de la manière dont les chiffres étaient présentés (Ndlr, sous les anciens gouvernements).

Il a estimé normal que le PLF rectificatif se présente ainsi, étant donné que cela fait longtemps que l’Etat n paie pas ses créanciers, et les entreprises publiques, une situation qui commence à toucher les entreprises privées qui se retrouvent avec des impayés pouvant occasionner la prison…

Apaiser le débat

Le locataire de la Kasbah a affirmé que son gouvernement avait retiré le projet de loi de finances « pour apaiser le débat, mais sa marge de manœuvre est limitée, et le déficit ne va pas baisser d’une manière extraordinaire, peut être de 2 points, avec le report du paiement d’une partie de la dette ».

Mechichi a critiqué, d’une manière policée, la méthode de la BCT qui a porté ce différend sur la place publique, estimant que le débat aurait dû rester entre institutions, autour d’une table, et non à coup de communiqués.

Il a ajouté que son gouvernement traite dans la transparence et avec un esprit positif avec l’Institut d’émission, annonçant une rencontre avec le gouverneur de la BCT ce lundi soir.

Il a affirmé son « attachement à l’indépendance de la banque centrale, qui a un grand rôle pour surmonter la crise économique que vit le pays ».

Mechichi a salué « la réussite de la BCT à maîtriser certains paramètres comme l’inflation, la parité du dinar, mais il y a d’autres paramètres, comme la subsistance du citoyen, les médicaments et les carburants dont l’approvisionnent devra être assuré à une rythme normal ». (Voir nos articles : Marouane Abassi dément « les préjugés » et appelle à consommer tunisien , Tunisie : Le gouverneur de la BCT demande le feu vert de l’Assemblée pour financer le budget !

Il a appelé la banque centrale à jouer un rôle positif pour financer le déficit budgétaire qui ne va pas dépasser les 3 millions de dinars, ce procédé « n’est pas une hérésie et a été adopté par les économies libérales et même par des économies analogues comme le Maroc et l’Egypte ».

Hichem Mechichi a appelé à sortir de ce débat pour plancher sur le projet du budget de 2021 avec de vraies réformes, appelant au retour au travail. « Il n’y a plus lieu de permettre de couper les rails, les routes, et d’arrêter la production du pétrole »… »Il faudrait que l’on s’arrête sur l’ampleur de la démolition que l’on a fait subir au pays », a-t-il lancé. 

La Rédaction